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Flash marchés. 10 mars 2022

Du point de vue de l’environnement économique, les premiers constats que nous pouvons faire impliquent un risque accru de stagflation dans la mesure où les révisions à la baisse de la croissance mondiale en 2022 s’accompagnent de réévaluation des anticipations d’inflation. Les banques centrales sont contraintes de réviser leur schéma de resserrement monétaire initialement prévu. Ainsi, pour la BCE, le choc inflationniste passerait au second plan face au choc de croissance, impliquant un décalage dans le calendrier de hausse des taux.

L’ampleur des risques, et donc les conséquences sur les marchés, vont dépendre du scénario privilégié tout d’abord sur le plan géopolitique mais également sur le plan financier. Les 2/3 semaines à venir seront cruciales, et nous inscrivons les possibles dans une approche de scenarii multiples dont la graduation des risques serait presque exponentielle.

Un scénario de désescalade

Il s’agit du scenario de détente aboutissant à un cessez-le-feu et à l’entame de négociations. Si Vladimir Poutine semble déterminé à atteindre certains objectifs stratégiques, notamment pour se positionner en position de force pour entamer des pourparlers, le coût humain du conflit pourrait l’inciter à consentir certaines concessions et le nouveau round de négociation sous l’égide de la Turquie offre quelques espoirs. Quoi qu’il en soit il s’agirait du scenario le plus favorable qui permettrait de limiter les impacts économiques et de revenir en quelque sorte à l’environnement prévalant avant l’invasion. Les banques centrales pourraient être confortées dans leur resserrement monétaire de lutte contre l’inflation, la croissance resterait supérieure à son potentiel. La baisse des marchés actions offrirait alors un potentiel de rebond significatif lié à des valorisations détendues et des primes de risques importantes à l’instar des évolutions constatées le mercredi 9 mars à la faveur de nouvelles ponctuellement rassurantes sur certaines concessions de l’Ukraine.

Un scénario d’enlisement

Vladimir Poutine a certainement commis une erreur stratégique en sous-estimant la capacité de résistance de l’Ukraine. La guerre supposée éclair pourrait ainsi se transformer en une guerre d’usure confrontée à une guérilla locale. Les pertes humaines deviendraient importantes tant pour les populations ukrainiennes que pour les militaires russes. Les opinions publiques pourraient ainsi faire pression : du côté occidental pour augmenter les sanctions financières, du côté russe pour arrêter le conflit. Le risque majeur de ce scénario réside dans une rupture finale de l’approvisionnement énergétique en provenance de Russie, accroissant ainsi le spectre de stagflation notamment en Europe.


Dans ces conditions, les banques centrales devraient adapter leur politique et demeurer plus prudentes dans l’ajustement des conditions monétaires et nous assisterions probablement à une stabilité de l’évolution des taux long terme. Les impacts sur les marchés actions associeraient hausse de la volatilité et risque de baisse supplémentaire mais limité.

Conflit généralisé

Ne pouvant exclure aucun scénario compte tenu du niveau des tensions et des risques de dérapages non maitrisés, il faut également inclure la possibilité d’un élargissement du conflit au sens de l’implication de nouveaux acteurs (OTAN, EU). Si la probabilité est faible car désiré par aucune des parties, ce cas de figure générerait des conséquences bien évidemment majeures du point de vue de l’environnement économique et des marchés financiers. Il serait alors possible de compter sur le soutien actif des banques centrales mais les risques de récession mondiales seraient tangibles se traduisant par une baisse des taux longs, une forte baisse des marchés actions et la recherche de placements refuges traditionnels (or, $, emprunts d’État US)

L’incertitude est forte et les avancées d’un jour peuvent être contredites par les nouvelles du lendemain. Nous demeurons bien entendu très vigilants pour adapter nos positions en fonction des éléments susceptibles de renforcer la probabilité de l’un ou l’autre de ces scenarii.