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Conjoncture et marchés novembre 2025

Panorama économique

Une économie mondiale résiliente

À l’aube de la fin d’année, il convient de commencer à se projeter sur l’exercice suivant. Avant de se concentrer sur les perspectives économiques des principales zones géographiques, il est important d’anticiper quelle sera l’évolution potentielle de la production mondiale en 2026. Sur ce sujet la récente publication de J.P Morgan du PMI composite monde prend en compte le niveau de confiance des directeurs d’achat de l’ensemble des pays, aussi bien au sein du secteur manufacturier que celui des services. Ce chiffre progresse de nouveau en octobre, pour atteindre un plus haut depuis juin 2024 (+0,4 point à 52,9) et se positionne au-dessus de la barre des 50 points, c’est-à-dire en zone d’expansion, depuis 33 mois consécutifs. Une telle statistique se veut donc rassurante, car elle suggère que la croissance mondiale devrait s’inscrire en hausse de +3% en 2026.

PMI composite monde et PIB mondial (Capital Economics – novembre 2025)

L’Amérique du Nord devrait continuer à contribuer à la « bonne santé » de l’activité générale. Le consensus prévoit un PIB en hausse de +1,7%/+1,8% en 2026

Cependant, certains économistes mettent en relief quelques interrogations qui pourraient perturber la dynamique de l’activité outre-Atlantique. Celles-ci concernent en particulier les ménages américains. En effet, ces derniers sont devenus plus pessimistes. L’indicateur de confiance général s’inscrit au plus bas depuis trois ans. Deux facteurs génèrent un manque de visibilité. Le premier est lié à la dynamique du marché de l’emploi qui ne cesse de s’effriter. Certes, il est délicat d’être précis sur ce sujet, dans la mesure où le shutdown (blocage de plusieurs services publics suite à un désaccord entre les partis républicain et démocrate), qui vient de se terminer après 43 jours, n’a pas permis de publier dans les temps des statistiques sur les créations de nouveaux emplois et sur taux de chômage. Cependant, des données alternatives laissent entendre que la solidité de l’emploi pourrait s’effriter.

En second lieu, les chiffres d’inflation demeurent encore élevés, en grande partie à cause de la hausse des produits importés qui subissent l’ajustement des taxes douanières fixées par l’administration Trump. Les derniers chiffres publiés montrent toujours une progression des prix de détail de +3%. Ces hausses de prix pourraient pénaliser les ventes au détail de fin d’année. C’est le constat qui est fait par la récente enquête de Deloitte qui indique que les ménages américains devraient réduire leurs dépenses de l’ordre de 10% au cours des prochaines semaines (cf. graphique ci-après).

Montant des dépenses de consommation anticipé par les ménages US pour les fêtes de fin d’année (Deloitte – novembre 2025).

Compte tenu du flou relatif concernant l’inflation et le marché de l’emploi, la Fed aura des difficultés à avoir une bonne lecture du cycle économique. Dans ces conditions, une baisse des taux directeurs lors de la prochaine réunion de la banque centrale américaine le 12 décembre, encore attendue il y a seulement quelques semaines, est désormais loin d’être acquise.

La progression du PIB au dernier trimestre 2025 sera probablement décevante, en grande partie à cause des effets négatifs du shutdown. Pour autant, il y aura probablement un rattrapage le trimestre suivant. La croissance américaine pourrait avoisiner les +1,8% en 2026, soutenue par une reprise de la consommation et par une bonne tenue des investissements, notamment dans l’Intelligence Artificielle, qui atteindraient de nouveau entre 300 à 400 milliards de dollars !

Le temps passe et l’Europe continue toujours à délivrer des statistiques décevantes. Certes, les chiffres du PIB de la zone euro ont été légèrement meilleurs que prévu (+0,2% contre une estimation de +0,1%), en partie grâce à une hausse inattendue de la croissance française (+0,5%). Cependant, les autres indicateurs économiques (climat des affaires) ne suscitent pas encore un réel enthousiasme. Comme évoqué les mois précédents, les économistes se focalisent toujours sur le plan de relance du 1er chancelier allemand, qui aura pour conséquence d’accroitre sensiblement le déficit budgétaire du pays (cf. graphique ci-contre).

Prévisions du déficit fiscal allemand en % du PIB (J.P. Morgan – novembre 2025).

De nombreux observateurs continent cependant à s’interroger sur la mise en œuvre opérationnelle et la nature de ces dépenses publiques (s’agit-il réellement d’investissements ayant un réel effet de levier économique ou bien de simples des dépenses courantes ?). Si les effets de levier de ce fameux « bazooka budgétaire » allemand peuvent potentiellement être légèrement inférieurs aux prévisions initiales, la croissance rhénane devrait malgré tout sortir de sa longue période de stagnation. Elle devrait ainsi s’inscrire pour plusieurs années sur un rythme supérieur à +1%. Une telle évolution aura des répercussions favorables pour l’ensemble de la zone euro.

Les spécialistes de l’économie chinoise attendaient avec impatience les conclusions du 20ième Congrès du Parti Communiste Chinois. Finalement, les informations délivrées après ce plénum n’ont pas révélé de surprise de nature à modifier la trajectoire de l’activité du pays. Il faudra probablement patienter jusqu’au printemps prochain afin de connaître les mesures précises mises en œuvre par les autorités politiques pour soutenir la croissance chinoise. Il se pourrait que ces décisions soient importantes, car le momentun économique demeure inférieur aux objectifs du gouvernement chinois. Les derniers chiffres font état d’une demande domestique et d’une production industrielle trop faibles, sans doute liées à un affaiblissement des exportations. Sujet à suivre puisqu’il pourrait impacter la croissance chinoise en 2026...

Marchés Financiers

Malgré des prises de bénéfices ces dernières semaines engendrées par des craintes de l’éclatement d’une bulle sur l’intelligence artificielle, les marchés résistent dans un contexte de croissance solide.

Un élargissement du cycle mondial des bénéfices en 2026

Au-delà des considérations macro-économiques, les investisseurs ont pu être rassurés sur la qualité des fondamentaux des entreprises comme en témoignent leurs résultats du troisième trimestre. Aux États-Unis 82% des sociétés ont publié des résultats au-dessus des anticipations des analystes. Malgré des attentes déjà élevées, ces publications ont surpris positivement aussi bien en termes de niveau de rentabilité (les marges sont au plus haut depuis 20 ans) mais aussi en termes de croissance de chiffre d’affaires puisque ceux-ci étaient en hausse de 9,3%.

Marges opérationnelles du S&P 500 incl. et ex. les valeurs technologiques

Ces bonnes publications ont de fait amené le consensus des analystes à revoir les prévisions de croissance de bénéfices à la hausse en particulier sur les secteurs des financières, des services aux collectivités et de la technologie. Bien que les indices demeurent extrêmement concentrés sur les « 7 Magnifiques » et la thématique de l’intelligence artificielle, il est rassurant de noter que la croissance se diffuse désormais à un plus grand nombre de secteurs d’activité. En 2025 les sociétés américaines cotées sur le Nasdaq, un secteur dominé par les valeurs technologiques, expliquaient plus de 80% des 12% de croissance attendus sur l’indice S&P 500.

Contribution sectorielle à la croissance des bénéfices du S&P 500 en 2026

En 2026, la croissance des autres sociétés du S&P 500 est attendue en hausse de 12,6% (vs 4% en 2025) venant ainsi équilibrer les sources de croissance des bénéfices de l’indice américain. Sur les douze derniers mois les sociétés américaines représentées ont par ailleurs généré $2700 milliards de cash flows opérationnels (+12% sur douze mois), allouant $1400 milliards à leurs actionnaires sous forme de dividendes ou de rachats d’actions en plus des $1200 milliards dédiés aux investissements de croissance (+18% sur douze mois). Les grandes entreprises américaines sont donc parvenues à financer cette croissance tout en maintenant des bilans très solides.

Analyse des bilans des entreprises US hors financières

Enfin, les entreprises non financières ont un ratio d’endettement très faible (dette brute / EBITDA d’environ 2,6x) et un niveau de liquidités élevé ce qui n’était pas le cas au moment de la bulle technologique des années 2000.

Bien que les actions américaines s’échangent sur des niveaux de multiples élevés, l’ensemble des éléments précédents sont de nature plutôt rassurante. Tant que l’environnement macro-économique reste sain l’optimisme sur les marchés pourrait donc perdurer. Selon nous, les sociétés bénéficiant de gains de productivité liés à l’intelligence artificielle conservent encore un potentiel de hausse.

Où trouver des sources de performance en dehors des « 7 Magnifiques » ?

Malgré une diffusion de la croissance aux autres secteurs économiques, les investisseurs font face à un risque de concentration important sur la thématique de l’intelligence artificielle. Suite à une performance hors norme, les dix plus grandes valeurs américaines – toutes liées directement ou indirectement au thème de l’intelligence artificielle en dehors de Berkshire Hathaway – représentent aujourd’hui environ 30% des actions mondiales.

Ce degré de concentration a un coût caché : une moindre diversification engendre un niveau de risque accru qui s’explique par une plus grande vulnérabilité des marchés financiers à d’éventuelles déceptions. Ces risques peuvent être de nature diverse : croissance des résultats insuffisants, hausse des primes de risque, changements règlementaires ou autre choc systémique ou idiosyncratique.

Poids des 10 plus grosses valeurs en % par indice

Dans un tel contexte il est important de s’interroger sur le degré de dépendance de son portefeuille à une thématique, un facteur de style ou à une valeur particulière. Diversifier ses investissements en s’exposant à d’autres classes d’actifs, régions ou styles est une façon d’assurer une plus grande robustesse de son portefeuille mais également à capter d’autres opportunités en cas de changement de régime de marché.

Dans cette optique s’intéresser aux valeurs de la zone euro, aux petites et moyennes capitalisations boursières, au Japon ou à des secteurs jusqu’ici délaissés comme le secteur de la santé peut être intéressant.

C’est également dans une optique de diversification de nos expositions que nous avons procédé à des arbitrages sur la classe obligataire. Malgré des fondamentaux solides et un niveau de défaut très faible (proche de 2%) sur le segment de la dette obligataire à haut rendement américaine, nous estimons que les niveaux de spreads et de portage sont actuellement moins attractifs au regard des risque éventuels sur cette catégorie d’émetteurs. Dans un contexte de nervosité sur le marché de la dette privée et face à d’éventuels risques de contagion, nous avons réduit notre exposition à cette classe d’actifs.

Nous avons préféré augmenter notre exposition à la dette des pays émergents émise en devise locale.

Rendements réels des obligations mondiales

Celle-ci présente plusieurs atouts : un niveau de rendement actuariel d’environ 6% pour une notation moyenne de BBB et des fondamentaux solides : les pays émergents hors Chine ont des niveaux d’endettement moins importants et une croissance plus forte que ceux observés dans les pays développés, une inflation maitrisée qui permet aux principales banques centrales émergentes de baisser leurs taux directeurs. Enfin, une certaine robustesse de la croissance mondiale devrait permettre aux devises émergentes de continuer à s’apprécier.