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Conjoncture et marchés octobre 2023

Panorama économique

La résilience de l’économie américaine est confirmée

Les mois se suivent et se ressemblent. Ils confirment le ralentissement économique de l’économie mondiale, notamment tirée vers le bas par la Chine. La mise à jour des experts du FMI confirme ce scénario. Le PIB mondial devrait croître de 3% en 2023 et de 2,9% en 2024, des chiffres en dessous de la moyenne historique.

Prévisions d’évolution du PIB en 2023 et 2024 (Source FMI – septembre 2023)

Les États-Unis font preuve de résilience quand on observe la bonne tenue de certaines statistiques, comme celles qui concernent le marché de l’emploi. On observe encore plus de 335 000 créations de nouveaux postes en septembre, avec un taux de chômage qui reste stable à 3,8%, malgré la hausse du taux de participation (ratio de personnes actives ou au chômage / personnes en âge de travailler). L’enquête ISM réalisée auprès des directeurs d’achat dans le secteur manufacturier montre également des données rassurantes, avec notamment une progression des nouvelles commandes. Pour autant, il est prématuré de tirer des conclusions pour le prochain exercice.

En effet, la hausse des taux d’intérêt, que ce soit sur le court terme ou sur le long terme, pourrait commencer à générer des difficultés pour de nombreux acteurs économiques. C’est fort logiquement le cas au sein du secteur immobilier. L’indice qui mesure la confiance des promoteurs immobiliers vient de rechuter en août et septembre. Il retombe sur un plus bas de 6 mois, probablement sous la pression de la forte remontée des taux hypothécaires qui s’inscrivent largement au-dessus de la barre des 7%. Mais c’est le comportement des ménages américains au cours des prochains mois qui permettra à la croissance du pays de résister ou…pas ! Or, la récente étude du Conference Board sur le sentiment des consommateurs à moyen terme fait apparaître une détérioration de la confiance qui peut laisser supposer l’arrivée d’une possible récession à l’horizon du 1er semestre 2024 (cf. graphique ci-dessous).

Indices de confiance du consommateur du Conference Board (Source : Covéa Finances – octobre 2023)

Par ailleurs, le conflit interne au sein du parti des Républicains qui s’est traduit par la destitution du président de la chambre des représentants, Kevin McKarty, pourrait finir par bloquer l’ensemble des pouvoirs du Congrès. Dans ces conditions, il sera alors compliqué de prendre des décisions aussi bien au niveau domestique (rehausser le plafond de la dette fédérale afin d’éviter un nouveau blocage des services publics), que de se positionner sur des choix extérieurs (nouvelles aides à l’Ukraine). Face à ces multiples tensions politiques qui peuvent s’accentuer lors de la campagne électorale, les chefs d’entreprises et les ménages vont finir par se lasser, et précipiter l’activité dans une phase de ralentissement plus prononcé.

Beaucoup de questions autour de l’Allemagne

Pas de véritable surprise sur le continent européen où la conjoncture économique continue à se dégrader. Les principaux indicateurs avancés, comme les indices PMI, stagnent toujours sous la barre des 50 points, signe d’une évolution négative de la production. La situation demeure toujours délicate en Allemagne, maillon faible de la zone euro en ce moment. La récente enquête IFO sur le climat des affaires outre-Rhin continue à se détériorer. Comme le montre le graphique ci-contre, la nouvelle chute de l’indicateur sous-jacent « conditions actuelles » laisse présager d’une baisse du PIB allemand proche de 1% dans les prochains mois, ce qui pourrait également affecter l’ensemble des autres pays européens.

Evolution de l’indice IFO et du PIB allemand (Source : Capital Economics – octobre 2023)

Les bonnes nouvelles liées aux pays développés concernent principalement l’évolution de l’inflation qui rentre progressivement « dans le rang ». Certes, à court terme, les chiffres de septembre sont encore élevés aussi bien aux États-Unis (+3,7%) qu’en zone euro (+4,3%). Mais des signes sous-jacents, tels que l’évolution des prix des biens manufacturiers et des services laissent supposer que la hausse des prix de détail va encore ralentir dans les prochains mois. Afin de s’assurer que cette normalisation progressive de l’inflation s’inscrive durablement dans le temps, il faudra confirmer l’évolution favorable de deux paramètres. Le premier concerne la progression des salaires qui semble se tasser aux États-Unis (+3,4% en annualisé sur les trois derniers mois), mais qui demeure sur une dynamique supérieure à +5% en zone euro. L’autre facteur concerne les variations des prix de l’énergie, et en particulier ceux du gaz et du pétrole avant la saison hivernale. Ces derniers tendent à remonter ces dernières semaines pour des raisons liées à l’équilibre entre offre et demande, mais aussi pour des raisons géopolitiques. La récente crise au Moyen-Orient, au-delà de l‘aspect dramatique sur le plan humanitaire, pourrait avoir des répercussions sur toute l’économie mondiale. Les banques centrales vont donc rester vigilantes tant qu’elles n’auront pas la certitude que toutes les composantes de l’inflation puissent revenir dans un cadre rassurant.

Marchés Financiers

La bonne santé de l’économie américaine et la détermination des banques centrales à maintenir des politiques monétaires restrictives se sont répercutés sur les anticipations des marchés avec une forte hausse des taux d’intérêt à long terme. Cette évolution est loin d’être neutre pour les différentes classes d’actifs et confirme une nouvelle approche pour les allocations, radicalement différente par rapport à la dernière décennie.

Les taux long terme atteignent de nouveaux sommets

Les taux d’intérêt à long terme ont ainsi enregistré des hausses significatives sur le mois écoulé. Les taux à dix ans sont ainsi montés, en l’espace d’un mois et demi, de 0,90% à presque 5% aux États-Unis, et de 0,40% à 2,95% en Allemagne, et retrouvent des niveaux atteints avant la Grande Crise Financière de 2008. Ces hausses s’expliquent en partie par la persistance du discours ferme des banques centrales. Mais elles intègrent également d’autre part une dimension plus durable liée à une hausse du taux d’équilibre de l’économie (ou taux neutre) qui constitue le seuil au-delà duquel se définit l’aspect restrictif des politiques monétaires.

La dérive des déficits budgétaires (aux États-Unis mais aussi pour certains pays européens) aura certes largement participé à la résilience des économies mais alimente également la hausse des taux d’intérêt dans la mesure où ils contribuent à réduire l’épargne disponible alors même que les investissements globaux sont amenés à progresser du fait de la montée en puissance de l’intelligence artificielle ou encore de la transition climatique dans les années à venir. À court terme, la hausse des taux d’intérêt alourdit le service de la dette et la surveillance budgétaire devrait s’intensifier. Certains gouvernements seront dès lors confrontés, à l’avenir, à un exercice d’équilibre entre une rigueur budgétaire nécessaire et le soutien économique. En Europe, l’Allemagne a des niveaux d’endettement plus faibles, l’Italie est aux prises avec une dette élevée et la situation budgétaire de la France est fragile.

Source : Datastream – Crédit Mutuel gestion

Compte tenu de cette hausse des rendements constatée depuis plusieurs mois, l’année 2023 représente un tournant majeur dans l’allocation des portefeuilles, en rupture avec l’environnement prévalant au cours de la dernière décennie. Durant cette période, la recherche de rendement revenait à privilégier les actifs risqués compte tenu de taux d’intérêt proches de zéro.

Désormais, offrant de nouvelles opportunités, les placements obligataires sont à reconsidérer au sein des portefeuilles diversifiés. Jusqu’à présent, nous avions identifié de la valeur au sein du segment Corporate Investment Grade qui offrait selon nous un bon positionnement rendement / risque. Ce mois-ci, considérant les niveaux de taux atteints à ce stade, nous révisons en hausse notre vue sur les emprunts souverains. Cette classe d’actifs offre un portage attractif et un potentiel d’appréciation supplémentaire qui pourrait provenir d’une prochaine détente des taux d’intérêt en cas de confirmation d’un ralentissement économique au cours des prochains mois.

Toujours de la prudence sur les marchés actions

Parallèlement, si nous identifions de la valeur sur les segments obligataires, nous demeurons prudents sur les marchés actions à court terme.

Si les marchés actions ont baissé depuis quelques semaines, leur réaction à la hausse des taux d’intérêt est finalement mesurée. Compte tenu de ce parcours et des performances constatées depuis le début de l’année, nous voyons un certain nombre de facteurs qui militent pour la prudence.

  • Etant donné qu’il y a désormais des alternatives à moindre risque, les investisseurs devraient exiger, pour les actifs risqués, des primes de risque supérieures aux niveaux actuels, ce qui passe par une baisse des valorisations.
  • La période de publication des sociétés en cours délivre quelques déceptions, parfois retentissantes (cf LVMH) qui illustrent les impacts de la hausse des coûts de entreprises mais aussi d’une activité plus faible. Ces tendances seraient renforcées en cas de ralentissement économique supplémentaire au cours des prochains mois. Notons d’ailleurs que les valeurs moyennes en général affichent des performances boursières très mitigées qui sont le reflet d’une environnement domestique plus difficile
  • Enfin, la dégradation marquée de la situation géopolitique ne laisse pas d’inquiéter. La problématique est l’escalade possible du conflit et son élargissement aux pays voisins. Il s’agit d’un exemple classique d’un événement de faible probabilité que les marchés ont toujours du mal à évaluer dans un premier temps. Mais, les exemples historiques montrent que l’ajustement peut être rapide en cas de survenance.

Dans ces conditions, nous conservons un biais prudent sur les marchés actions du fait de l’incertitude prévalant à court terme. Celle-ci profite aux actifs refuges traditionnels, à commencer par l’or. Le métal précieux et les mines ont significativement rebondi depuis le 7 octobre restaurant ainsi leur rôle de diversification au sein des portefeuilles.

Au-delà de l’attentisme que nous privilégions à court terme, l’horizon 2024 offre quelques éléments qui pourraient dessiner un environnement plus favorable aux marchés actions : des perspectives de détente des taux directeurs des banques centrales et la montée en puissance des investissements d’intelligence artificielle qui bénéficiera bien entendu aux acteurs du secteur mais aussi globalement aux entreprises grâce aux gains de productivité générés.

Du point de vue des zones géographiques, nous avons eu des nouvelles plutôt rassurantes de la part de l’économie chinoise dont le rebond du PIB au 3ème trimestre renforce la probabilité d’atteindre l’objectif de 5% de croissance pour l’année 2023. Le sentiment extrêmement pessimiste sur les actifs chinois pourrait ainsi évoluer prochainement, notamment à la faveur de l’annonce de nouvelles mesures de relance visant plus particulièrement à soutenir le secteur immobilier.