Panorama économique
Une économie mondiale résiliente
La vision du monde économique n’est guère différente de celle évaluée le mois précédent. La croissance devrait se maintenir proche de +3% l’année prochaine. Cependant, il se pourrait que ce chiffre soit légèrement révisé à la baisse dans les prochains mois, avant de retrouver un rythme plus soutenu dans le courant du second semestre 2026 comme le montre le graphique ci-dessous.

Plusieurs raisons pourraient expliquer un momentum économique un peu moins favorable. L’une des principales causes devrait venir d’une moindre dynamique de l’autre côté de l’Atlantique, même s’il n’y a encore aucune certitude sur ce sujet. En effet, jusqu’à présent, la consommation des Américains reste toujours le facteur essentiel pour justifier la bonne tenue de l’activité du pays. Cela a été notamment le cas après la crise de la Covid, où les ménages ont largement profité de leur épargne abondante pour augmenter le poids de leurs dépenses pendant plusieurs années. À ce jour, le contexte est différent. Tout d’abord, le niveau d’épargne des ménages américains est revenu sur les plus bas historiques, à l’exception des actifs boursiers, mais qui sont principalement détenus par la tranche de population la plus riche.
En parallèle, le marché de l’emploi semble s’affaiblir progressivement. Les premiers signes s’étaient matérialisés cet été avec une sensible révision à la baisse des créations d’emplois et une remontée du taux de chômage. La tendance pourrait continuer à se dégrader, même si les données statistiques du mois de septembre n’ont pas été publiées à cause de la fermeture temporaire de certains services administratifs (shutdown).
Par ailleurs, une question essentielle commence à émerger dans de nombreux rapports d’économistes : quelles seront les conséquences directes ou indirectes de l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) dans l’économie ?
S’il est prématuré à ce jour d’en tirer immédiatement des conclusions, il semblerait cependant que l’on commence à apercevoir certaines répercussions de cette évolution sur le contexte économique et social. L’élément positif à court terme est lié aux investissements qui sont réalisés dans le secteur de la technologie par les entreprises. Ceux-ci ont atteint 92 milliards de dollars au second trimestre pour les grands noms de ce secteur, soit l’équivalent de 1,2% du PIB. Il s’agit d’un élément particulièrement intéressant pour l’activité américaine, dans la mesure où la plupart de ces investissements sont réalisés sur le sol domestique.
Il faudra également mesurer les gains de productivité qui seront générés par les sociétés utilisant ces nouveaux process. Sur un autre plan, la situation est plus délicate quand on observe les impacts potentiels de l’IA sur le marché de l’emploi. Des études récentes menées par les universités de Stanford et de Harvard concluent que l’impact de l’Intelligence Artificielle générative est déjà visible sur l’emploi de la nouvelle génération.
L’analyse du graphique ci-dessous montre clairement une nette détérioration du taux de chômage des personnes de moins de 24 ans qui pourrait être liée au fait que les entreprises peuvent se permettre d’embaucher moins de jeunes, surtout dans certains métiers de services très administratifs ou faciles à automatiser.

Un autre facteur à surveiller de près dans les prochains mois est celui de l’évolution de l’inflation. Les récentes informations sur ce sujet ne révèlent pas d’inquiétudes majeures. Cependant, la baisse des prix de détail tarde à se normaliser. Les prix moyens liés à la consommation des ménages (PCE) demeurent sur un niveau annualisé de +2,9%, qui peut s’expliquer en partie par les progressions des droits de douane sur les produits importés aux États-Unis. La situation ne devrait pas s’améliorer sensiblement dans les prochains mois. Mais pour autant, les économistes restent confiants dans la capacité de la banque centrale américaine à pratiquer une politique monétaire plus accommodante. Celle-ci se traduirait alors par deux baisses de taux supplémentaires d’ici la fin de l’année et potentiellement au moins deux autres sur 2026.
L’Europe va-t-elle enfin finir par briller ? Cette interrogation se pose légitimement depuis la nomination en Allemagne de Friedrich Merz, nouveau responsable politique allemand. Ce dernier a réussi à se faire élire en tant que Premier Chancelier en mettant en relief sa volonté de relancer la dynamique économique de son pays qui stagne depuis presque une décennie. Cela devrait passer par de nombreux investissements dans plusieurs secteurs tels que les infrastructures, l’environnement, la transition énergétique et la défense. Les sommes en jeu sont colossales (plus de 3% du PIB allemand), et devraient dépasser, comme présenté ci-dessous, les autres plans de soutien de l’économie, comme celui du plan Marshall (après la seconde guerre mondiale) et celui post-pandémie appelé NGEU (Next Generation de l’Union Européenne).

Certes, dans l’immédiat, ce plan de relance allemand ne s’est pas encore concrétisé. Les indicateurs économiques demeurent faibles, à l’image du repli significatif de la production industrielle en août (-4,3%), mais tous les espoirs sur une reprise de la croissance rhénane en 2026 sont encore parfaitement crédibles. C’est la raison qui justifie une révision à la hausse du PIB allemand l’année prochaine qui devrait progresser de +1,3% selon les estimations du gouvernement allemand.
La possible future première ministre japonaise va-t-elle pratiquer le « tir à l’arc » ? Une expression qui fait référence au responsable politique japonais entre 2012 et 2020. En effet, Shinso Abe avait mis en place une politique de relance de l’activité qui était fondée sur ce que l’on avait appelé les trois flèches. Celles-ci correspondaient à une politique monétaire plus accommodante, une relance budgétaire et enfin sur des modifications structurelles (baisse des impôts, travail des femmes...). Il semblerait que Sanae Takaichi possède le même état d’esprit avec un tempérament « pro-relance » de l’activité. Si cette analyse se confirme après son éventuelle nomination, l’activité du « soleil levant » pourrait alors revenir sur une dynamique plus positive qui demandera cependant à être confirmée.
Marchés Financiers
L’IA peut-elle encore jouer le rôle de locomotive des marchés actions ?
Malgré les incertitudes concernant la stabilité du marché du travail aux États-Unis, le regain de tensions géopolitiques entre Donald Trump et Xi Jinping ou encore les déceptions concernant l’activité économique allemande, les marchés poursuivent leur progression, préférant se concentrer sur les bonnes nouvelles – notamment sur la technologie.
Depuis le début de l’année, les dix principales capitalisations boursières du S&P 500 regroupées autour de la thématique de l’IA expliquent la moitié de la hausse des actions américaines.

Elles concentrent actuellement environ 35% de la capitalisation boursière cotée du pays, soit environ un quart des indices actions internationaux. La signature de contrats majeurs notamment avec OpenAI et les investissements colossaux dans les infrastructures nécessaires au déploiement des solutions d’IA entretiennent un momentum très positif qui ne semble pas encore épuisé.
Si le niveau de valorisation des actions américaines s’approche des sommets historiques, leur performance a été plus spécifiquement portée par des révisions bénéficiaires à la hausse. Ce mouvement pourrait perdurer puisque les attentes de croissance de bénéfice par action de 8% pour le troisième trimestre ne semblent pas excessives, un point qui est renforcé par les récentes communications encourageantes de nombreuses sociétés.
Beaucoup s’interrogent par ailleurs sur la capacité des entreprises américaines à maintenir leur niveau de rentabilité alors même que leurs marges opérationnelles sont au plus haut. Outre leur grande discipline en matière de gestion des coûts, leur force principale réside dans leur capacité d’innovation et d’investissement dans l’appareil productif.
S’il est encore trop tôt pour trancher sur le niveau de rentabilité future des investissements liés à l’IA, une analyse des flux de trésorerie actuellement réalisés sur la thématique, rapportés aux investissements nous laissent penser que les niveaux de rentabilité à venir attendus par le consensus restent raisonnables.

Par ailleurs, à la différence de la bulle technologique des années 2000, la plus grande partie de ces investissements sont financés par les fonds propres d’entreprises rentables et non par de la dette.
En outre, l’abondance de liquidités alimentée par des politiques plus accommodantes de la part des banques centrales à travers le monde, dans un contexte de croissance certes molle mais positive, entretient cette frivolité sur les actions. La situation actuelle se rapproche ainsi davantage à ce que nous avions connu lors de la baisse des taux directeurs de la Réserve Fédérale américaine en 1995 plutôt qu’en 1999. La situation n’est pas non plus alarmante sur le plan des indicateurs techniques. Les flux restent positifs sur les actions, les expositions actuelles des particuliers comme des investisseurs institutionnels sur la classe d’actifs sont loin d’être extrêmes. Toutes choses égales par ailleurs, les multiples de valorisation pourraient donc continuer à se tendre sans que cela ne fasse dérailler les marchés.
Sur les actions nous privilégions toujours les marchés émergents.
Les actions des marchés émergents figurent toujours en tête des performances sur l’année. La zone bénéficie de plusieurs facteurs positifs : des volumes d’échanges commerciaux qui restent soutenus malgré la hausse des droits de douane, un dollar faible et des mesures de relance monétaire de leurs banques centrales qui stimulent leurs économies. La croissance ajustée de l’inflation sur les pays émergents est attendue à 3,5% en 2026 contre 1,7% pour les pays développés. Concernant les entreprises, la croissance de bénéfices est attendue en hausse de 14,6% en 2026 et s’inscrit toujours dans une dynamique de révisions haussières. Enfin le niveau de valorisation des actions sur la zone reste intéressant malgré un beau parcours boursier.
Au sein des pays émergents le marché chinois est plus spécifiquement porté par la thématique de l’IA.
Rappelons que les grandes valeurs technologiques représentent près des deux tiers de la capitalisation boursière chinoise (contre vingt pourcents environ en Europe) et que le gouvernement ambitionne depuis 2017 de devenir l’un des leaders sur l’IA. La Chine concentre la moitié des chercheurs dans ce domaine à travers le monde ! Par ailleurs 1,1 milliard de Chinois utilisent actuellement des applications mobiles, des plateformes de commerce en ligne ou de réseaux sociaux – un vivier crucial pour le déploiement de modèle d’IA performants.

En Europe le contexte semble moins favorable. Les entreprises du vieux continent ont subi de plein fouet la hausse de l’euro, la hausse des taxes douanières américaines et la concurrence chinoise, alors que le plan massif d’investissements allemands tarde à se concrétiser. Ces vents contraires constituent un réel frein pour la progression des actions européennes dont la valorisation est tout juste à la moyenne de long terme et sur lesquelles la tendance de révision bénéficiaire sur 2026 sera au mieux stable.
Quelles sont nos perspectives sur les marchés obligataires ?
La hausse potentielle de l’inflation outre-Atlantique sous les effets du protectionnisme et d’une politique migratoire restrictive doublée de la nécessité du Trésor américain d’augmenter significativement ses émissions obligataires pour financer le déficit budgétaire expliquent notre prudence vis-à-vis des taux longs américains.
En Europe, le risque souverain est également bien présent du fait de l’instabilité politique et budgétaire en France et des nouveaux besoins de financement en Allemagne où le déficit budgétaire devrait avoisiner les 4% en 2026 contre 2,8% début 2025.
Le marché du crédit est toujours plébiscité dans un contexte de liquidités abondantes et dans la mesure où les rendements offerts par les obligations privées restent attractifs. Pour autant, les spreads sont extrêmement serrés, sans qu’une grande distinction ne soit faite quant à la qualité de l’émetteur sous-jacent. Dans ce contexte un retour de la volatilité sur les marchés obligataires ne peut être exclu. Nous préférons adopter une approche plus sélective et tactique sur la classe d’actifs à travers notamment des stratégies de gestion obligataire flexibles.
Le déclin du dollar peut-il s’arrêter ?
Concernant les devises, bien que le dollar se soit récemment stabilisé relativement à la monnaie unique, nous pensons que le billet vert reste surévalué et pourrait poursuivre sa tendance baissière à moyen terme. Cette tendance s’inscrit dans un contexte de baisses des taux directeurs américains, d’une politique budgétaire très expansionniste et d’un regain de croissance attendu à l’horizon 2027 en Europe et au Japon, alors que les investisseurs internationaux diversifient leurs expositions en dehors des États-Unis. Nous maintenons donc nos couvertures sur le dollar que nous avions introduites au printemps.