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Conjoncture et marchés septembre 2025

Panorama économique

Une économie mondiale résiliente

Les deux principaux mois d’été n’ont pas généré d’événements susceptibles de dégrader les perspectives de l’économie mondiale. Sans pour autant faire preuve d’un optimisme démesuré, force est de constater que l’économie mondiale affiche une relative résilience, malgré les risques réels liés aux incertitudes commerciales (les surplus de droits de douane américains sont-ils définitivement validés ?), géopolitiques, et les multiples défis budgétaires présents dans de nombreux pays.

Cette vision rassurante du monde des affaires est reflétée dans la dernière publication du FMI qui révise à la hausse les estimations publiées en avril dernier. Le PIB mondial pourrait donc croître de 3,0% en 2025 (soit +0,2 point) et de +3,1% en 2026 (+0,1 point).

Estimations de la croissance mondiale selon la dernière analyse du FMI (juillet 2025)

Les États-Unis sont toujours au centre des préoccupations des économistes, surtout après la déception du 1er trimestre. Les récentes informations relatives aux indicateurs avancés sont globalement positives. C’est notamment le cas de l’indice PMI manufacturier qui a fortement rebondi en août, passant de 49,8 à 53,0. Le secteur des services reste également dans une configuration constructive, comme le montre l’enquête réalisée par l’ISM qui gagne 1,9 point à 52,0. Le niveau de confiance des chefs d’entreprises US correspond ainsi à une croissance potentielle du pays proche de +2,0%.

La situation apparaît plus compliquée pour les ménages. En effet, la confiance des américains se dégrade modérément essentiellement à cause de deux sujets. Le premier concerne l’évolution de l’inflation liée aux conséquences collatérales de la hausse des droits de douane sur les importations. Les statistiques récentes n’ont pas montré jusqu'à présent de véritables effets négatifs sur les prix à la consommation, à l’image du PCE (Personal Consumption Expenditures Prices). Ce dernier reste sur le niveau de +2,6% en rythme annuel en juillet. Mais le plus délicat devrait arriver d’ici la fin de l’année, les entreprises ayant jusqu’à présent puiser dans leurs stocks des produits qui n’avaient pas encore subi de taxations supplémentaires. Il est cependant délicat d’anticiper avec précision l'évolution de l’inflation. Celle-ci pourrait être en partie prise en compte par les entreprises (au détriment de leurs marges !) et éventuellement n’être que temporaire dans le temps.

Le second sujet d’inquiétude des ménages américains provient des doutes sur la robustesse du marché du travail. Celui-ci a fait preuve de résistance jusqu’à l’heure actuelle : les récentes statistiques affichent en effet une moindre dynamique sur ce sujet, élément essentiel afin de justifier une bonne tenue de la consommation, et donc une poursuite de la croissance américaine. C’est notamment le cas des créations d’emplois des mois précédents. Une première alerte significative était déjà apparue au cœur de l’été avec une forte révision à la baisse des chiffres précédents. Les données d’août sont également décevantes (+22 000 postes) avec un taux de chômage qui continue à remonter progressivement (+0,1 point à 4,2%).

Révision des chiffes liée aux créations d’emplois des 6 mois précédents (Capital Economics – septembre 2025)

La Fed (Banque Centrale Américaine) avait jusqu’à présent maintenu sa politique monétaire inchangée avec des taux directeurs stables à 4,25%, convaincue d’une prochaine reprise de l’inflation. Mais la dégradation du marché de l’emploi, associée à une pression historique du président américain sur Jerome Powell (avec le souhait de D. Trump de licencier Lisa Cook, membre du comité) pourrait se traduire par une prochaine baisse des taux directeurs le 17 septembre. La poursuite de l’ajustement de la Fed devrait continuer par la suite, mais à un rythme qui dépendra des prochaines statistiques d’inflation et de la dynamique de l’emploi.

Le contexte économique en Europe a peu évolué, et reste conforme à ce jour aux prévisions élaborées en début d’été, à savoir une sensible reprise de l’activité à partir de l’année prochaine, avec une croissance en zone euro supérieure à 1,0%. En attendant, les données économiques demeurent toujours faibles. Le chiffre le plus représentatif en la matière est celui de l’évolution du PIB allemand au second trimestre 2025. Celui-ci a été révisé à la baisse à -0,3%, annulant complètement le bon début d’année.

Mais tous les spécialistes en la matière portent surtout leur attention sur les prochains trimestres, notamment à partir de 2026. Comme cela avait été évoqué, le nouveau chancelier Friedrich Merz souhaite largement accentuer les dépenses publiques allemandes. Celles-ci, associées à la hausse des investissements dans la défense, devraient permettre un net rebond du PIB outre-Rhin. Ce scénario semble crédible quand on examine les enquêtes de confiance auprès des chefs d’entreprises allemands. Selon l’IFO, si le climat des affaires stagne à court terme, ce dernier s’améliore sensiblement quand l’analyse correspond à un horizon à plus de six mois comme le montre le graphique ci-dessous (ligne bleu clair).

Indice du climat des affaires en Allemagne (CPR AM – 09/2025)

Un tel scénario économique serait par nature positif pour toute l’Europe, surtout avec une BCE qui pourrait continuer à réduire ses taux directeurs.

Cependant, si l’économie allemande montre plus de conviction, la France risque de se présenter comme le maillon faible de la zone euro avec un contexte politique français qui est devenu particulièrement fragile. La difficulté de trouver un compromis sur le budget 2026 semble finir par affecter la confiance des consommateurs et chefs d’entreprise), et peut générer une pression supplémentaire sur les taux souverains. Ces éléments devraient évoluer dans les prochaines semaines, sans réelles certitudes cependant sur une meilleure visibilité à moyen terme du contexte politique de l’hexagone.

Marchés Financiers

Les marchés financiers franchissent de nouveaux sommets

En un peu plus de huit mois les actions internationales sont en hausse de 10,5% (indice MSCI World en devise locale), soit une performance similaire à celle généralement réalisée sur une année complète (10,6% en moyenne sur 10 ans). La hausse de près de 28% des actions internationales depuis leur point bas atteint le 8 avril (quelques jours après l’annonce de nouveaux tarifs douaniers par D. Trump) est encore plus vertigineuse. Sur les vingt dernières années, un rebond d’une telle ampleur, sur une période aussi courte (tout juste 5 mois) n’avait été observé qu’à l’issue de la crise du Covid ou de la crise financière de 2008.

Comment expliquer un tel enthousiasme dans un contexte de ralentissement économique de part et d’autre de l’Atlantique ?

  • Plusieurs éléments sont à mettre en avant, le premier étant les perspectives de baisses de taux directeurs aux États-Unis. À l’heure actuelle les marchés financiers tablent sur 6 baisses de taux d’ici fin 2026, une bonne nouvelle pour les actifs risqués qui bénéficieront directement d’un coût du risque plus faible.
  • Le deuxième concerne l’excellente santé des entreprises américaines (soit environ 70% de la capitalisation boursière mondiale). Plus de 80% d’entre elles ont en effet publié des résultats supérieurs aux attentes au deuxième trimestre, ce qui a entrainé une vague de révisions haussières des attentes de croissance bénéficiaires en 2025 comme en 2026.
  • Malgré les incertitudes règlementaires les entreprises technologiques américaines poursuivent leurs investissements massifs pour développer l’intelligence artificielle ce qui ne manquera pas d’avoir un effet multiplicateur sur la croissance et la rentabilité du reste de l’économie.
  • Enfin, la baisse du dollar et la baisse du prix de l’énergie sont aussi des facteurs positifs pour la compétitivité des entreprises internationales.

Un potentiel de progression limité sur les actions américaines

L’ensemble de ces éléments auxquels s’ajoute une meilleure visibilité sur les niveaux de droits de douane effectifs s’est soldé par une expansion des multiples de valorisation qui se situent désormais dans le haut de leur fourchette historique. Les actions internationales s’échangent sur un niveau de cours sur bénéfices prospectifs de 20 fois, soit une prime de 30% sur leur moyenne de long terme. Parmi celles-ci, ce sont les actions américaines qui sont les plus chères. Elles s’échangent sur un multiple de cours/bénéfices de 23 fois soit une prime de 40% comparée à la moyenne sur 20 ans.

Les marchés sont-ils devenus exubérants ?

En l’absence de surprise positive supplémentaire concernant la croissance ou la rentabilité future des entreprises américaines, et notamment les Magnificent 7 qui représentent près de 35% du S&P 500, il semble que le potentiel de performance des actions américaines soit désormais quelque peu limité à ce stade. Historiquement les espérances de gains sur longue période pour un investisseur achetant des actions américaines sur les niveaux actuels étaient en effet de l’ordre de +2%. Cela nous conduit à rester globalement neutre sur les actions à ce stade.

Actions américaines - Ratio cours/bénéfices anticipés et performance sur 10 ans (Source JP Morgan Septembre 2025)

D’autres classes d’actifs telles que les actions des marchés émergents nous semblent pour autant offrir des perspectives toujours alléchantes.

Malgré un beau parcours boursier, la classe d’actifs s’échange sur des niveaux de multiples de 10 fois (ratio cours/bénéfices prospectifs) soit une décote de 15% par rapport à leur moyenne de long terme. Si les échanges commerciaux directs avec les États-Unis ont été impactés par la hausse des droits de douane, les volumes d’échanges intra-pays émergents sont en nette hausse.

La baisse du dollar a un impact positif sur la compétitivité des entreprises et leurs coûts de financement. En 2026, elles devraient délivrer le même niveau de croissance que les entreprises américaines, soit 13% environ.

D’un point de vue technique, la baisse des taux directeurs américains constitue un facteur de soutien pour les actions émergentes (la hausse de la liquidité sur les marchés favorise les classes d’actifs plus risqués) alors que les flux acheteurs sur cette classe d’actifs restent positifs. De surcroît dans un contexte baissier sur le dollar, il semble pertinent en termes de diversification de portefeuille de s’exposer à une classe d’actifs pour laquelle la baisse du dollar est un facteur positif.

Evolution du dollar vs actions émergentes (Source JP Morgan Septembre 2025)

Quelles perspectives sur les obligations face au poids des dettes souveraines et au laxisme budgétaire ?

Les marchés obligataires souverains sont tiraillés entre des scenarios contradictoires.

Lorsque les craintes de ralentissement économique prennent le dessus, les rendements obligataires reculent, les investisseurs anticipant un assouplissement monétaire plus marqué. C’est ce que l’on a observé cet été aux États-Unis. À l’inverse, lorsque les marchés reconsidèrent les risques de laxisme budgétaire, les rendements obligataires repartent à la hausse. C’est ce qui s’est passé en Europe, et plus spécifiquement en France où l’instabilité politique s’est soldée par un écartement notable des taux longs. À cela s’ajoute l’augmentation du flottant sur la dette européenne, les Etats ayant besoin de financer des plans d’investissement massifs, des déficits budgétaires et un endettement plus important alors même que la BCE réduit la taille de son bilan.

Dans ce contexte, les obligations émises par les entreprises privées présentent un certain attrait relativement aux obligations souveraines.

Les prévisions de résultats et leur solidité financière devraient soutenir leur performance. Malgré des spreads (compensation financière pour le risque de défaut) en baisse, le niveau de rendement offert permet d’absorber une partie de la volatilité sur les taux et sera certainement encore le principal contributeur à la performance de la classe d’actifs dans les prochains mois.

En illustration, il est intéressant de constater que les spreads sur les obligations européennes privées évoluent depuis quelques mois déjà indépendamment du différentiel de rendement entre la France et l’Allemagne.

Spreads de credit européens vs spreads OAT(Fr)-Bund(All)
Source : CM AM La Française – Indices Itraxx euro X-Over et spreads OAT-BUND Sept 2025