Communication

Et demain ? Les influenceurs dans la société post-confinement

Les 3 signaux à surveiller

Norman, Enjoy Phenix, Lena Situations, Gotaga... Avant la pandémie, le phénomène des « influenceurs » occupait le devant de la scène. Le succès croissant de ces nouveaux acteurs, souvent très jeunes, semblait traduire une nouvelle étape dans le rapport du public aux médias. Sur Instagram ou sur YouTube l’influence était désormais à la portée de tous. Et des amateurs se professionnalisaient du jour au lendemain grâce au succès de leurs vidéos sur les réseaux.

De nombreux secteurs étaient concernés par cette lame de fond portée par la jeune génération : technologie, mode, beauté, cuisine, jeux vidéo, loisirs, voyages, etc. Le marketing de l’influence était né. Et la tendance semblait irrésistible : dans une société de défiance, on écoutait plus facilement l’avis d’un anonyme que celui d’un institutionnel.

La crise sanitaire a changé la donne. Face à la gravité de la situation, certaines postures sur Instagram ou Tik Tok ont paru décalées, voire superficielles. En outre, le retour des institutions sur le devant de la scène en a éclipsé les principaux ressorts. En période de crise, les gens se tournent vers les institutions qui ont fait leurs preuves : gouvernement, collectivités locales, grandes entreprises, grande distribution, etc. Est-ce à dire que les influenceurs ont quitté la scène ? Non, évidemment. Mais ils ont dû faire évoluer leurs discours. Le ton de leurs communications s’est adapté et ce changement sera durable.

Ces nouveaux acteurs sont là pour rester. Il est d’autant plus important pour les entreprises de comprendre leur rôle car bientôt, ils seront peut-être la première source d’information de la jeune génération. Et qui sait, pourquoi pas l’unique ? Un scénario peut-être pas si lointain auquel il faut se préparer.

Trois signaux faibles nous renseignent déjà sur les nouvelles priorités de l’avenir.

  1. L’influence, une tendance qui s’affirme

    Aujourd’hui, on n’est plus seulement influencé, on influence. On dépose des avis sur les plateformes, on intervient sur les réseaux sociaux, on laisse des commentaires sur les sites des marques. Bref on s’exprime et cela a un impact sur la consommation. Ainsi en 2020, 53% des Français déclarent donner leur opinion à propos des produits et des services.

    Je donne mon opinion à propos de produits ou services sur des sites de consommation

    Le confinement a joué un rôle d’accélérateur. Les gens se sont tournés vers certains influenceurs pour se faire un avis. Un phénomène de masse : 67% des interrogés consultent aujourd’hui les conseils de bloggeurs (vs. 58% en 2019).

    Je consulte des conseils ou informations donnés par d’autres internautes sur des produits ou des marques

    Et 74% ont eu recours à des tutoriels (ils n’étaient que 56% en 2017), dont beaucoup ont été conçus par des anonymes.

    Je consulte des tutoriels

    Pendant le confinement, les jeunes ont été particulièrement actifs pour alimenter la machine de l’influence. Au printemps 2020, 13% des 15-24 ans ont ainsi produit des contenus et animé des événements en ligne sur YouTube ou Instagram...1

    La crise sanitaire a été l’occasion de faire évoluer leur discours. Beaucoup d’influenceurs ont appelé à des levées de fonds pour aider le personnel hospitalier. Ils ont relayé les recommandations sanitaires des pouvoirs publics, incité à faire des dons et démontré qu’ils pouvaient faire œuvre utile, faisant ainsi oublier les polémiques récentes sur leur récupération par des marques.

    Demain chaque entreprise devra prendre en compte ces voix, petites et grandes, car elles sont de plus en plus écoutées et ont su s’adapter aux contraintes créées par la pandémie.

L’influence, une nouvelle culture

Si le phénomène des influenceurs est appelé à durer, c’est qu’il s’inscrit dans une nouvelle culture où les consommateurs prennent leur indépendance vis-à-vis des acteurs traditionnels et deviennent eux-mêmes acteurs de leur consommation. Ainsi les échanges entre particuliers qui se sont envolés au cours de la décennie 2010-2020, en forment-ils le terreau. Une seule donnée pour le montrer : en 2010, 27% des Français vendaient leurs objets personnels. Ils sont 56% en 20201 ! En s’organisant entre eux sur Leboncoin ou Vinted, les consommateurs contournent les réseaux traditionnels et court-circuitent les distributeurs historiques.

Les influenceurs participent à cette dynamique nationale et se convertissent en marques personnelles, utilisant les possibilités que leur offrent les plateformes pour redéfinir un nouvel écosystème, loin des experts et des canaux institutionnels.

De fait, les influenceurs émergent dans un contexte où les gens ont envie d’une relation plus libre vis-à-vis des marques et de la consommation. Ainsi beaucoup de ceux qui postent des contenus éprouvent ce sentiment : 20% des Français disent se sentir plus libres en s’exprimant sur les réseaux sociaux1. Les influenceurs ont su capitaliser sur cette perception dans une société où la défiance s’est accrue ces dernières années.

Demain, les entreprises devront gérer ces nouveaux acteurs que sont les marketeurs-vendeurs-influenceurs et défendre leur légitimité propre pour rester concurrentielles ou travailler en co-construction avec eux.

L’influence de nouveaux codes de communication

La raison principale du succès des influenceurs est à rechercher dans le ton qu’ils ont apporté dans l’espace public. Car là est la véritable révolution qu’ils ont introduite dans la société. En adoptant un ton plus « humain », plus proche des gens, ils ont gagné cette confiance qui fait souvent défaut aux acteurs institutionnels. Face aux communications officielles, ils ont proposé des formats plus souples et moins formels.

Dans leurs vidéos, l’humour règne en maître. La scénarisation est amicale, horizontale, complice, et la connivence permet de s’affranchir de la bienséance. Les influenceurs veulent être vrais et sincères et n’hésitent pas à faire entrer leurs abonnés dans les coulisses.

Face aux experts traditionnels, habitués à diffuser ex cathedra leurs conseils ou visions, les influenceurs semblent beaucoup plus proches de leur public. C’est particulièrement le cas chez les plus jeunes qui se retrouvent dans une pédagogie pragmatique, centrée sur l’expérience, loin des théories et des discours abstraits des spécialistes.

La subjectivité de leur point de vue de non-expert n’est pas une faiblesse, au contraire, c’est un atout, garant de leur « authenticité ». Dans les enquêtes menées par Sociovision, les jeunes considèrent qu’il s’agit d’un nouveau langage, le langage de leur génération, et le symbole d’une nouvelle façon d’échanger et de partager.

Demain, les marques et les entreprises devront s’approprier ces nouveaux codes et répondre à cette demande de sincérité.

Et demain ?

  1. Comment les entreprises peuvent-elles trouver leur place dans cet écosystème ?
  2. Comment identifier les influenceurs les plus pertinents et les plus légitimes pour mieux communiquer aux cibles visées ?
  3. Comment intégrer cette dimension de partage et de recommandation lors de la conception de ses produits et dans la définition de son expérience consommateur ?

1 Observatoire France 2020, Sociovision.