Bienvenue dans l’ère du point de vente virtuel

En partenariat avec Usbeck & Rica

Comment la vente au détail va-t-elle continuer à évoluer sous l’influence du numérique et de nouvelles technologies comme le métavers et la réalité virtuelle ? Projetons-nous dans un futur proche, à travers un scenario de fiction, pour le découvrir. Ce travail prospectif a été imaginé grâce à l’expertise d’Adrien Zanelli, cofondateur de la plateforme Retail VR, et de Stéphane Bourliataux-Lajoinie, maître de conférence en marketing digital.

Aujourd’hui est un grand jour pour Christophe, puisqu’il s’apprête à inaugurer une nouvelle boutique pour sa marque de chemise pour hommes, Cintrés. Toutefois, l’inauguration ne se fera ni à Paris, ni à Lyon, Nantes ou Bordeaux, ni même à l’étranger. Non, tout aura lieu en ligne, car la nouvelle boutique n’est pas un point de vente physique, mais un magasin virtuel hébergé sur UnityXYZ, l’un des principaux services de métavers (un environnement virtuel dans lequel les internautes sont représentés par des avatars et peuvent participer à toutes sortes d’activités) disponibles en cette année 2025.

Après avoir travaillé une dizaine d’années dans un cabinet de conseil, Christophe s’est retrouvé quatre ans plus tôt avec un peu d’argent de côté et l’envie de s’essayer à l’entrepreneuriat. Ce passionné d’élégance masculine a alors décidé de réaliser son rêve en lançant sa propre marque de chemises. Comme nombre de milléniaux, Christophe est particulièrement sensible aux questions éthiques et environnementales, et son aventure entrepreneuriale est aussi pour lui un moyen de s’engager contre la mode express, afin de renouer avec une approche plus solide et durable du vêtement. Son ambition : proposer des chemises sur-mesure de qualité et de confection européenne, à un tarif certes plus élevé que celles proposées par les grandes enseignes, mais qui demeure malgré tout abordable.

Afin de répondre à cet objectif, il a très tôt décidé de miser au maximum sur la communication via l’Internet, la virtualisation et l’usage des technologies de pointe pour économiser sur ses dépenses marketing, tout en permettant au consommateur de comprendre sa démarche et de se renseigner le mieux possible sur ses produits. Il veille également à surveiller, mesurer (grâce à un logiciel dans le cloud) et compenser la consommation énergétique qu’entraîne l’usage de ces nouvelles technologies afin de ne pas apporter un remède qui soit pire que le mal.

Tout commence par un site Internet classique, sur lequel l’entrepreneur insère un tutoriel vidéo pour guider le client dans la prise de ses propres mesures, muni d’un simple mètre-ruban. S’il le souhaite, l’internaute peut enfiler un casque de réalité virtuelle pour se retrouver projeté dans l’atelier d’un tailleur, où, sous les traits de celui-ci, et à la manière d’un jeu vidéo, une intelligence artificielle l’assiste dans la prise de ses mesures. Une fois celles-ci renseignées en ligne, l’acheteur peut, grâce à la réalité augmentée, combinée à l’intelligence artificielle, voir une reproduction en 3D de lui-même portant sa future chemise, ce qui lui permet à la fois de vérifier que les mesures ont été prises correctement et que la chemise est à la bonne taille, mais aussi de personnaliser divers éléments comme la forme du col, les poignets, la couleur de la chemise ou encore le type de boutons choisis.

À ceux qui souhaiteraient en savoir davantage sur les matières premières utilisées et les conditions de fabrication, à la fois pour s’assurer qu’il s’agit bien d’un produit de qualité et que la production respecte un certain nombre de normes éthiques et environnementales, le site de Cintrés propose de visiter, comme en vrai, les différentes étapes de confection.

Depuis la plantation andalouse où est récolté le coton biologique, jusqu’à l’atelier lozérien dans lequel les chemises sont confectionnées, en passant par le transport des matériaux entre l’Espagne et la France, assuré en camion électrique, le client peut, grâce à la réalité virtuelle, observer minutieusement chaque étape comme s’il s’y trouvait instantanément téléporté. Mieux encore : un simple clic lui permet d’obtenir des informations en surbrillance. La quantité d’eau nécessaire à la production d’une chemise, la technique employée pour coudre les boutons...

Un dispositif qui, habilement combiné à une campagne de publicité ciblée sur les réseaux sociaux, permet rapidement à la marque de décoller. Deux ans après sa première commande, Christophe ouvre sa première boutique physique à Paris, dans laquelle il continue de miser sur les nouvelles technologies pour renseigner les clients.

La boutique est ainsi équipée de larges écrans stratégiquement disposés un peu partout. Lorsqu’un client s’empare d’une chemise pour l’observer de plus près, une puce RFID1 située sur celle-ci communique l’information à l’écran le plus proche, qui diffuse immédiatement un petit film résumant les différentes étapes de son cycle de production, ses principales caractéristiques physiques, et fournit quelques anecdotes historiques sur le type de col ou de poignets que comporte la chemise. Le client peut également scanner un QR code situé sur l’étiquette pour être aussitôt envoyé sur le site de la marque et disposer d’encore plus d’informations sur le produit.

Les cabines d’essayage sont quant à elles équipées d’écrans où défilent les images d’un mannequin portant la chemise avec différentes tenues adaptées aux circonstances : avec un costume et une cravate dans un environnement professionnel, dans une tenue formelle pour un mariage, avec un jean et des sneakers, un short et des lunettes de soleil... Lorsqu’il essaie une chemise, le client peut enfin manipuler l’écran pour y apporter des modifications : changer la couleur, la forme du col, opter pour une coupe plus ou moins cintrée... Ce dispositif permet à la fois d’essayer des modèles non disponibles en boutique, que l’on peut ensuite commander en ligne, et de voir à l’avance ce que donneraient les retouches que le client envisage de faire réaliser par le service après-vente de Cintrés.

Fidèle à son désir de lutter contre la mode express, Christophe se refuse toutefois à faire du marketing ciblé, comme le font nombre de ses concurrents qui, chaque fois qu’un client rentre dans leur boutique, récoltent des données issues de son téléphone et de ses objets connectés pour lui proposer des vêtements adaptés à sa taille et à ses goûts en fonction de son historique d’achat et de ses publications sur les réseaux sociaux. Pour la même raison, il se refuse également à faire des promotions, considérant que le prix qu’il demande pour ses chemises est un prix juste qui lui permet d’assurer leur production dans des conditions éthiques et environnementales satisfaisantes.

Quand vient l’heure de passer à la caisse, les clients en boutique optent pour le sans-contact, via leur carte de paiement, leur téléphone ou leur montre connectée, tandis que ceux qui réalisent leurs achats en ligne ont en général recours à un système de portefeuille numérique qui leur évite de rentrer chaque fois les informations de leur carte de paiement.

Mais revenons au métavers. Le fait d’y créer un premier point de vente virtuel est pour Christophe l’occasion d’enrichir l’univers visuel et l’imaginaire de sa marque tout en touchant une nouvelle clientèle. Après les passionnés de beaux vêtements et les clients sensibles à l’aspect éthique et écologique du produit, il espère désormais conquérir les amateurs de jeux vidéo en quête d’une tenue pour habiller leur personnage et les technophiles ayant soif de produits innovants. UnitéXYZ est en effet un environnement ludique, dans lequel on se rend pour socialiser, mais aussi pour jouer à toutes sortes de jeux.

Les joueurs y sont représentés par un avatar, dont on peut modifier l’apparence physique, mais aussi les vêtements et les accessoires. Certains sont gratuits, mais la plupart sont commercialisés sous forme de titres de propriété numériques basés sur une blockchain2 qui permettent d’authentifier et tracer la valeur d’un bien, notamment virtuel, sur l’Internet. Sur UnityXYZ, les achats se font en XYZ.Points, mais pour acquérir ces derniers, il faut débourser des euros, des dollars ou des yuan.

Certains dépensent des fortunes dans cette optique : Azimoff7674, un joueur suédois, a récemment dépensé l’équivalent d’un demi-million d’euros en XYZ.Points pour acquérir un t-shirt virtuel unique créé par un grand designer new-yorkais. Mais au-delà de cet exemple extrême, les marques utilisent UnityXYZ pour proposer des vêtements originaux, voire délirants, défiant même parfois les lois de la physique : robe enflammée, combinaison aux formes géométriques improbables, chapeau qui change de forme toutes les dix secondes... Ou encore pour tester de nouveaux produits à moindre frais, et voir si leur version virtuelle a su trouver sa clientèle avant de lancer la production dans le monde réel.

Mais aussi, enfin, pour proposer des produits originaux et des expériences jouant sur la dualité réel/virtuel. Une grande marque de whisky écossais a ainsi récemment vendu vingt bouteilles de sa cuvée spéciale sous forme de titres de propriété numériques sur UnityXYZ. Les acheteurs ont ainsi acquis le droit de se faire livrer une bouteille chez eux au moment de leur choix, et d’en personnaliser le contenant, en y faisant graver leurs initiales, un message ou un logo personnalisé, lors d’un rendez-vous avec un ambassadeur de la marque organisé sur UnityXYZ. Ainsi que le droit d’accéder à un espace privé géré par la marque sur la plateforme virtuelle, sorte de club de gentlemen 3.0, et de participer à une future dégustation dans une boutique située près de chez eux.

Christophe, de son côté, va inaugurer l’aventure de sa marque sur UnityXYZ en vendant sous forme de titres de propriété numériques une première collection de 200 chemises en coton d’Égypte d’une qualité exceptionnelle. Les acquéreurs pourront équiper leur avatar de la chemise sur d’UnityXYZ, se la faire tailler sur-mesure dans la réalité, et l’emmener en boutique pour réparation autant de fois qu’ils le souhaiteront (en montrant leur titre de propriété au vendeur).

Christophe compte également se servir d’UnityXYZ pour améliorer son service de conseil et relation client en ligne. En effet, malgré les indéniables progrès de l’intelligence artificielle, les dispositifs de chatbots3 utilisés par les marques sur leur site Internet demeurent incapables de reproduire fidèlement l’interaction que l’on peut avoir avec un vendeur compétent en boutique. Mais Christophe est convaincu que le métavers va enfin apporter une solution à cet écueil. Sa boutique sur UnityXYZ comptera ainsi deux vendeurs virtuels, dirigés par des joueurs humains, qui pourront prodiguer des conseils et expliquer le modèle économique et environnemental de la marque, en proposant par exemple aux clients de visiter les ateliers en réalité virtuelle, sur le modèle immersif mis en place sur le site Internet.

À terme, il envisage même la confection de modèles destinés à être vendus de manière exclusivement virtuelle, inspirés des costumes moyenâgeux ou de la science-fiction. Ainsi que la mise en place d’une sorte de salon privé réservé à sa communauté, où les clients pourront jouer au cricket et au polo et échanger les uns avec les autres autour de leur amour du vêtement dans un décor inspiré des clubs anglais du XIXe siècle. Car après tout, le virtuel offre aussi l’occasion de s’affranchir des limites à l’imagination posées par la réalité.

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2 Chaine de blocs

3 Agent conversationnel