Le quasi usufruit

Définition et naissance d’un quasi-usufruit

Le quasi-usufruit est une forme particulière d’usufruit puisqu’il porte sur un bien qu’on ne peut utiliser sans le consommer tel qu’une somme d’argent ou encore une cave à vin.

Le quasi-usufruit peut être d’origine légale (succession avec des liquidités, et option par le conjoint pour l’usufruit) ou d’origine conventionnelle (produit de cession d’un bien démembré laissé à la libre disposition de l’usufruitier par accord entre les parties).

Le fonctionnement du quasi-usufruit

Le quasi-usufruitier peut disposer librement de la somme ou du bien, à charge pour lui de restituer l’équivalent à son décès. Dès lors, il devient débiteur (passif successoral) et le nu-propriétaire créancier (créance de restitution).

La loi de finances 2024 et article 774 bis du CGI

Le législateur est venu remettre en cause, et ce, pour toutes les successions à compter du 29/12/2023, la déductibilité de certaines dettes de quasi-usufruit estimant les opérations parfois abusives. Désormais, les dettes portant sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit ne sont plus déductibles. Les dettes issues du produit de cession d’un bien démembré laissé à la disposition de l’usufruitier devront être justifiées par un motif non principalement fiscal. Celles issues de l’option successorale du conjoint survivant ne sont quant à elles pas visées

Déductibilité de la dette : trois situations définies par l’administration fiscale

L’administration fiscale est venue apporter ses commentaires et distingue trois situations :

  • Les dettes qui restent déductibles : celles liées à l’option en usufruit du conjoint survivant, un avantage matrimonial, une indemnité d’expropriation… ou celles pour lesquelles l’usufruitier n’est pas à l’origine du démembrement (clause bénéficiaire de contrat d’assurance vie) ;
  • Les dettes qui ne sont plus déductibles : celles portant sur une somme d’argent dont le donateur s’est réservé l’usufruit, quelles que soient les circonstances du quasi-usufruit. Il peut s’agir d’un don de la nue-propriété de somme d’argent, du remboursement d’une créance démembrée ou du rachat sur un contrat de capitalisation démembré.
  • Les dettes déductibles sous conditions : celles issues de la cession (ou opération assimilée dont l’usufruitier serait à l’initiative) d’un bien démembré (bien immobilier, titres, etc.) aboutissant à un quasi-usufruit sur une somme d’argent. L’administration admet alors que la dette soit déductible si le contribuable peut prouver que le but n’était pas principalement fiscal.

Cette justification s’apprécie selon un faisceau d’indices :

  • la durée écoulée entre le démembrement et la cession du bien ;
  • les motivations patrimoniales de l’opération (besoin de revenus pour assumer le train de vie...) ;
  • le degré de latitude de l’usufruitier dans le choix du report du démembrement sur le prix de cession (la participation ou non du nu-propriétaire aux décisions).

Impact de la non déduction

La dette n’étant plus déductible, des droits de succession seront à acquitter par le nu-propriétaire, qui pourra alors imputer les droits déjà acquittés lors de la donation, sans pouvoir prétendre à remboursement.

Réflexion pour les quasi-usufruits en cours

Afin de pallier l’incertitude de déduction au décès, il est recommandé de faire le point, avec ses conseils, sur les opérations passées. Il pourrait être envisagé que :

  • le quasi-usufruitier rembourse la dette par anticipation, soit en numéraire soit par une dation en paiement (remise de la nue-propriété d’un bien immobilier par exemple avec impact de la taxation de la plus-value). Le montant à rembourser est alors égal à la valeur économique de la nue-propriété ;
  • le quasi-usufruitier renonce à son droit d’usufruitier, le nu-propriétaire devient alors plein propriétaire. Cette opération est alors soumise aux droits de donation sur l’usufruit abandonné ;
  • les deux parties s’accordent sur une conversion en rente viagère. Le nu-propriétaire devient alors plein propriétaire contre une rente à verser au quasi-usufruitier ;
  • la somme, objet du démembrement, soit remployée dans un nouvel actif démembré tel que des titres de société, placements ou bien immobilier ; le quasi usufruit se transforme alors en usufruit classique ;
  • le remboursement de la dette de restitution soit prévu par la désignation à titre onéreux d’un contrat d’assurance vie. La dette est alors éteinte au décès et sans taxation des capitaux décès.

Réflexion sur les opérations à venir (cessions de biens démembrés)

  • Privilégier le réinvestissement dans un nouvel actif démembré ou le partage du prix ;
  • justifier les opérations par des motifs économiques et patrimoniaux si le quasi-usufruit est toutefois privilégié (inscrire le projet dans une volonté de transmission anticipée du patrimoine tout en marquant la volonté de conserver l’autonomie pour le donateur) et inclure le nu-propriétaire dans les décisions de cession et de remploi.

En conclusion, la gestion du démembrement portant sur une somme d’argent est délicate et pas seulement pour des raisons fiscales. Afin de prendre les précautions nécessaires, il est indispensable de se faire accompagner par des professionnels.