Entreprises innovantes

Le rôle de l’actionnaire institutionnel en période de covid-19

Tout d’abord, comment exercez-vous votre métier, chez Crédit Mutuel Innovation ?

Karine Lignel

Karine Lignel, directrice générale de Crédit Mutuel Innovation

Karine Lignel : Nous investissons les fonds propres confiés par Crédit Mutuel Alliance Fédérale dans des entreprises technologiquement innovantes. Ce sont les fonds propres du groupe et cela nous permet d’avoir une structure juridique de long terme (99 ans !). Ainsi, nous avons la grande chance de pouvoir accompagner les entreprises dans lesquelles nous investissons pendant un temps long (en moyenne entre 7 et 9 ans).

Une fois au capital, les investisseurs, devenus actionnaires, et les fondateurs ont le même objectif : permettre à l’entreprise de se développer au mieux afin qu’elle atteigne un stade assurant sa revente ou son autonomie. Il s’agit donc de construire, ensemble, des bases solides, et de réfléchir, ensemble, à la meilleure stratégie de développement.

La crise sanitaire est passée par là, avec la phase très difficile du confinement au printemps, comment gère-t-on cette collaboration dans un tel contexte ?

Karine Lignel : En temps « normal », il existe une dimension absolument sous-estimée voire ignorée : l’accompagnement psychologique que les investisseurs apportent aux chefs d’entreprise. C’est cette dimension qui a été mise en lumière avec la crise de la covid-19.

Les chefs d’entreprise que nous accompagnons sont souvent très seuls. Ils font face à des sujets qu’ils n’ont jamais ou peu rencontrés. Au contraire des investisseurs institutionnels dont l’expérience est justement d’avoir déjà accompagné d’autres entreprises sur des chemins similaires. Il s’agit donc de créer une relation de confiance et de partage : l’investisseur transmet son expérience, le chef d’entreprise questionne librement. Cela induit des échanges permanents et un enrichissement (intellectuel et potentiellement financier) de tous.

La crise de la covid-19 a particulièrement révélé ce rôle de soutien et d’accompagnement même si, face à une situation inédite et chamboulant toutes les certitudes, il n’était plus temps de bâtir la confiance, mais au contraire, de tester la solidité des liens existants.

Comment avez-vous réussi à accompagner vos chefs d’entreprise pendant cette période (qui n’est pas finie !) ?

Karine Lignel : Les échanges s’effectuant à distance, il a fallu écouter encore plus que de coutume. Déceler, plus que jamais, au téléphone ou en visio-conférence, les inquiétudes, les espoirs, les interrogations. Nous échangions sur des questions techniques (les prêts garantis par l’État, sur la mise en place de chômage partiel, sur l’utilisation du télétravail) mais des aspects humains se sont bien sûr entremêlés : comment gérer les équipes à distance ? De quelle manière se projeter dans le temps ? Comment envisager, pour les entreprises en Sciences de la vie, l’arrêt des essais cliniques ? Comment maintenir le lien sans être intrusifs ? Comment envisager les besoins de financement dans le temps ? En filigrane, il fallait apaiser des craintes : les investisseurs allaient-ils réduire les coûts au maximum ? Profiter de la crise pour refinancer à bas prix ? Ou même, être aux abonnés absents ?

Nous n’avons pas été aux abonnés absents. En fonction des situations particulières de chaque entreprise accompagnée et du besoin exprimé par les chefs d’entreprise, nous avons fait face en multipliant les contacts, les échanges.

Pensez-vous que le regard sur les investisseurs a changé avec cette crise ?

Karine Lignel : Cette crise sanitaire a, selon moi, remis, ou mis de manière plus visible, l’actionnaire financier à la place qu’il devrait toujours avoir : une place de solidité, de présence, de soutien et de facilitateur pour tous ceux qu’il accompagne. Ce qui implique néanmoins que les chefs d’entreprise s’appuient suffisamment sur les actionnaires financiers pour leur permettre de jouer ce rôle, sans crainte. En toute confiance.