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Conjoncture et marchés

Panorama économique

Scénario Economique

Pour les investisseurs, l’évolution de la crise sanitaire semble maintenant passer au second plan après les informations macro-économiques. Faut-il effectivement « tourner cette page », et penser que la pandémie que nous avons vécue fait partie de l’histoire ancienne ? Si on constate effectivement que l’évolution du virus semble maintenant sous contrôle au sein de la plupart des pays développés, le contexte demeure encore difficile dans d’autres zones géographiques. Lors de son dernier message, la directrice des études économiques du FMI, Gita Gopinath, rappelle que « la pandémie n’est terminée nulle part tant qu’elle ne l’est pas partout ». Face à l’agressivité du denier variant de la Covid-19, il est absolument primordial de faire de l’accélération de la vaccination de la population mondiale une priorité absolue. Ce n’est que dans ces conditions que l’on pourra enfin parler de victoire sur ce virus, et reprendre une vie économique et sociale proche de celle que l’on connaissait en 2019.

En attendant, les opérateurs de marchés se sont focalisés ces dernières semaines sur les problématiques économiques du moment. Celles-ci se sont multipliées depuis le début de l’été. Le redressement particulièrement rapide de la croissance économique a, paradoxalement, généré de nombreuses difficultés considérées comme inhabituelles dans le monde moderne. Lors des précédentes crises, la confiance des ménages était principalement affectée par des craintes liées à une chute possible de leurs revenus. La gestion de cette pandémie à l’échelle mondiale a conduit les autorités politiques à faire des efforts sans commune mesure avec le passé afin de sauvegarder les outils de production et le pouvoir d’achat des consommateurs. La sortie des différents confinements partiels ou globaux s’est ainsi traduite par une envolée des achats de biens manufacturés dans les pays occidentaux

Dans un environnement encore marqué par des difficultés de production notamment au sein des émergents, la demande a largement dépassé l’offre, entraînant de nombreuses conséquences collatérales : hausse des prix des matières premières y compris parmi celles liées à l’énergie (cf. graphique ci-dessous), disruption dans les chaines de fabrication, goulots d’étranglement dans les canaux de logistique, en particulier pour le transport par containers.

Graphique Prix Énergie
Évolution des prix de l’énergie en Europe. (Source : Exane BNP – octobre 2021).

Certains secteurs doivent faire face à une pénurie de produits finis ou semi-finis comme les semi-conducteurs. Ces éléments sont de plus en plus utilisés par tous les industriels, et en particulier par les constructeurs d’automobiles. L’Allemagne, réputée pour ses compétences en matière de machines-outils et de fabrication de véhicules, est un des pays les plus pénalisés par cet environnement.

Autre sujet d’actualité qui remonte dans les enquêtes de confiance des chefs d’entreprises : le manque de disponibilité de main d’œuvre. Les services figurent parmi les secteurs les plus exposés sur ce sujet. Les effets secondaires encore présents de l’épidémie (cas contact, garde d’enfants...), la fermeture des frontières réduisant les flux migratoires, les multiples reconversions professionnelles ainsi que de nombreux départs à la retraite sur des métiers peu prisés par les jeunes générations (routier par exemple) sont générateurs de perturbations importantes pour des entreprises où le personnel est incontournable. La hausse des salaires pourrait être l’un des arguments pour normaliser cette situation. Il faudra donc être attentif aux négociations salariales qui vont s’ouvrir lors des prochains mois et dont certaines s’expliquent aussi par la perte du pouvoir d’achat des ménages face à la hausse de plusieurs dépenses incompressibles telles que celles liées à l’énergie. Avec la progression des prix des matières premières censée être conjoncturelle (à vérifier dans le temps), l’évolution des salaires déterminera le risque inflationniste à moyen terme. À ce jour, les économistes se montrent rassurants. Ils évoquent un pic d’inflation fin 2021 au sein des pays développés (6% aux États‑Unis !) ou au début du prochain exercice, mais un retour des prix de détail vers les niveaux de 2% au second semestre 2022.

Dans ce scénario, les banques centrales pourraient se contenter d’ajuster avec précaution leur politique monétaire. Elles devraient ainsi prendre le temps pour réduire leurs achats d’actifs (Tapering) et remonter leurs taux directeurs.

Les organismes de statistiques, à l’image du FMI, demeurent donc relativement confiants sur les perspectives économiques mondiale pour les 18 prochains mois malgré les incertitudes décrites précédemment.

Graphique Croissance Mondial
Projection de la croissance mondiale (Source : FMI  – Octobre 2021).

Marchés Financiers

La période récente s’est traduite par la confirmation d’un environnement plus complexe pour les marchés financiers. Il s’agit de prendre en compte l’après-Covid, qui se caractérise par une croissance normalisée et des perspectives d’inflation dont l’horizon dépasserait le « transitoire ».

Une hausse des anticipations d’inflation

Le contexte des marchés financiers s’inscrit dans une évolution vers une normalisation progressive des politiques économiques post-pandémie. Le sujet Covid, sans disparaitre, devient moins prégnant permettant d’envisager un allègement durable des restrictions en cours au sein des différentes économies. Si des fragilités demeurent, notamment au sein des pays émergents du fait d’une vaccination moins avancée, les investisseurs semblent bien moins préoccupés par la problématique de l’épidémie si l’on en croit les enquêtes récentes.

À présent, le scénario central s’appuie sur une croissance mondiale qui serait certes en retrait en 2022 par rapport à 2021, mais qui resterait globalement solide, de l’ordre de 5%.

Graphique Classes Actifs
Performances des classes d’actifs en 2021 (Source : Datastream – Crédit Mutuel Gestion).

L’incertitude majeure réside dans les perspectives d’inflation dont les impacts en matière d’allocation d’actifs peuvent être significatifs selon la confirmation du caractère transitoire ou non. Sur ce point les choses évoluent dans un sens défavorable. Les discours des banques centrales glissent doucement de certitudes validées en début d’année vers l’expression de doutes quant au caractère éphémère de l’inflation. La crise énergétique qui se traduit par une forte hausse du pétrole mais aussi du gaz et du charbon constitue assurément une menace se rajoutant aux autres facteurs qui prennent une tournure plus structurelle (ruptures des chaînes d’approvisionnements, hausse des salaires, évolution de la demande, transition climatique). Les anticipations d’inflation, particulièrement scrutées par les banques centrales, se tendent et le calendrier de resserrement des politiques monétaires se resserre un peu partout dans le monde.

Les taux d’intérêt pourraient se tendre

Le risque qui émerge est une erreur de politique des banques centrales dont la conduite s’écarterait d’un objectif strict d’inflation et tarderait à resserrer sa politique en privilégiant d’autres considérations, qui peuvent concerner l’emploi et la croissance.

Dans ces conditions, les taux d’intérêt à long terme prennent en compte cette nouvelle donne et reprennent un chemin haussier retrouvant des niveaux proches de leur point haut d’avril dernier. Au regard de l’ampleur de la baisse observée depuis 20 ans, ce mouvement reste toutefois limité et ne constitue pas, pour l’heure, une menace pour les marchés financiers. Mais tout est affaire de mesure : une dérive trop forte pénaliserait bien entendu les marchés obligataires mais aussi les marchés actions tant au niveau des perspectives de croissance des bénéfices (la hausse des taux pèse sur l’endettement) que des multiples de valorisation des marchés actions.