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Conjoncture et marchés

Panorama économique

Une forte accélération de la croissance mondiale tirée par les États-Unis.

Les bases sont en place pour connaître une forte accélération de la croissance mondiale à partir du second trimestre de cette année. En effet, l’ensemble du scénario économique devait dépendre de l’efficacité et de la vitesse de la vaccination. Aujourd’hui, compte tenu de l’amélioration progressive de la situation sanitaire dans la plupart des grands pays, les mesures de confinement prises pour ralentir l’évolution de la pandémie sont ou seront progressivement levées. Il s’en suivra alors un fort rebond de l’économie, comme cela avait été constaté en Chine en 2020, après la levée des restrictions. Cette reprise de l’activité sera d’autant plus marquée qu’elle sera favorisée par plusieurs facteurs.

Le premier concerne les nouveaux efforts qui seront consentis par les gouvernements pour favoriser le rebond de leur économie. Les États-Unis se distinguent particulièrement sur ce sujet. Déjà d’importants moyens financiers (3 400 Mds $) avaient été consentis l’année dernière avec l’administration Trump. La nouvelle équipe démocrate a accentué cette démarche avec de nouvelles annonces appelées Bidenomics (en référence aux initiatives du premier ministre japonais Shinzo Abe en 2013 pour relancer l’activité économique du pays). Celles-ci se décomposent en plusieurs plans. Il s’agit tout d’abord de soutenir en grand partie les ménages américains avec des subventions de l’ordre de 1 900 Mds $.

Pour le nouveau locataire de la Maison Blanche, il s’agit cependant de voir plus loin et plus grand pour des raisons économiques et politiques. Les États-Unis ont besoin de retrouver leur statut de leader sur la scène internationale et de conserver des atouts face à la concurrence chinoise.

Dans ce but, Joe Biden souhaite faire valider par le congrès deux plans successifs. L’un de 2 250 Mds $ sera dédié aux infrastructures (American Jobs plan), et l’autre de 1 800 Mds $ concernera l’éducation et la politique familiale (American Families Plan). Ces montants, s’ils sont validés en l’état par le Congrès, ce qui est loin d’être acquis à ce jour, seront alors dépensés sur 8 ou 10 ans. En parallèle, une augmentation de la fiscalité pour les entreprises et les personnes les plus riches semble incontournable afin de financer partiellement ces mesures.

Si l’on tient compte du contexte économique actuel déjà rassurant, à l’exception d’un marché de l’emploi qui n’a pas encore retrouvé son lustre d’antan (taux de chômage inférieur à 4%), l’ensemble de ces dépenses publiques devrait produire un fort effet de levier sur l’activité. Le PIB pourrait croître de plus de 10% en rythme annualisé au cours des prochains trimestres. Un rythme très supérieur à celui qui aurait été enregistré sans la pandémie comme l’illustre le graphique ci-dessous

Schémas possibles de croissance americaine
Schémas possibles de croissance américaine (Source : Oxford Economics – Mai 2021).

Au-delà des soutiens financiers étatiques, d’autres éléments favorables concernent l’ensemble des acteurs économiques. Les entreprises ont des niveaux d’inventaires jugés trop faibles. Il faudra non seulement produire pour répondre à une forte demande, mais également prévoir de reconstituer les stocks sur la durée. Pour faire face à ces objectifs, de nombreux entrepreneurs ont ainsi revus en hausse leur budget d’investissement. Les ménages devraient également participer à la relance de la croissance. Des revenus globalement sauvegardés, et une épargne importante faute d’avoir pu dépenser normalement depuis plus d’un an, devraient favoriser la consommation. Cette dernière, qui représente en moyenne 70% du PIB pour un pays développé, sera probablement la clé de voûte du redressement économique en 2021.

Des pressions inflationnistes.

Une convergence d’éléments aussi favorables pour justifier un fort rebond de l’activité ne va sans poser quelques problèmes. Ces derniers sont aujourd’hui bien identifiés par les chefs d’entreprises à travers les différentes enquêtes PMI (cf. graphique ci-dessous). La forte hausse des coûts en amont des chaines de production pourrait laisser des traces. En effet, la progression des prix de toutes les matières premières, l’augmentation significative des tarifs du transport maritime, sans parler même de la pénurie de certains produits comme les semi-conducteurs auront des conséquences. Une pression sur les marges des entreprises au premier trimestre commence à se constater dans plusieurs secteurs (biens d’équipement, produits de consommation courante...). Par ailleurs, une hausse de l’inflation est aujourd’hui reconnue par tous les experts. Il reste à savoir si cette dernière est de nature conjoncturelle ou d’ordre plus structurel.

Évolution mondiale des prix des entrants et de l’inflation
Évolution mondiale des prix des « entrants » et de l’inflation (Source : IHS Markit/JP Morgan – Mai 2021).

Marchés Financiers

Le renforcement du scénario de croissance s’accompagne d’une hausse de l’inflation.

Le glissement des anticipations d’un aspect transitoire à un statut plus pérenne est de nature à perturber l’ensemble des actifs financiers.

La lisibilité de l’environnement économique devient difficile à appréhender pour les investisseurs, ce qui est de nature à augmenter la volatilité des marchés financiers. Certains indicateurs économiques récents sont ainsi ressortis en fort décalage avec le consensus : les chiffres de l’emploi US en avril, les chiffres d’inflation américains ou chinois en avril également... Sans pour autant modifier totalement les prévisions 2021, ces « surprises » traduisent surtout les difficultés à ancrer un solide scénario dans un mode toujours soumis à des incertitudes majeures.

Performances des classes d’actifs en 2021
Performances des classes d’actifs en 2021

Nos prévisions tablent toujours sur une accélération de croissance tant aux États-Unis qu’en Europe, contrebalancée par un ralentissement de l’économie chinoise orchestré par les autorités. Le pic de croissance attendu devrait se situer au cours du second semestre 2021. La persistance, voire l’accentuation des pressions inflationnistes devraient au fur et à mesure se répercuter sur les taux d’intérêt à long terme qui pourraient ainsi poursuivre un mouvement haussier dans les zones en forte croissance en 2021 (États-Unis et Europe).

D’un autre côté, nous avons la confirmation d’un passage difficile pour la sphère des pays émergents soumise à des vents contraires : resserrement anticipé de politiques monétaires dans certains pays, contexte sanitaire extrêmement compliqué dans d’autres (parfois les mêmes), ou encore effets de décélération en provenance de l’économie chinoise de plus en plus prédominante pour la zone.

Ainsi, si notre scénario central table sur un environnement économique mondial porteur, effaçant dans les prochains mois les effets dévastateurs de la crise Covid, le jeu de bascule des forces dominantes dans la croissance mondiale nous amène toutefois à opérer une distinction majeure. Nous anticipons de meilleures performances relatives pour les pays développés d’une manière générale, tant sur les placements obligataires qu’actions.

Un contexte plus volatil mais globalement encore porteur

Du point de vue de l’allocation d’actifs, compte tenu de ce contexte réaffirmé de croissance qui s’accompagne de hausses significatives des résultats des sociétés, nous considérons que l’environnement reste toujours porteur pour les classes d’actifs risqués, principalement les marchés actions. Nous demeurons toujours très prudents sur les placements obligataires souverains, surtout américains, en raison du risque de hausse des taux déjà évoqué. Les taux à 10 ans pourraient ainsi tendre vers le seuil de 2% qui prévalait avant la crise Covid. Le mouvement devrait rester plus limité sur les taux européens et son rythme sera fonction de la réouverture réelle des économies.

En accord avec la prudence avec laquelle nous abordons les perspectives court terme des pays émergents, nous réduisons la voilure sur la dette émergente. Outre les craintes sur la gestion de la crise sanitaire à court terme, comme nous l’avons déjà évoqué dans le cadre de nos lettres « Conjonctures et marchés » précédentes, la hausse des taux d’intérêt américains et une éventuelle réappréciation du dollar, historiquement défavorables aux placements obligataires émergents, font planer une menace pour les prochains mois.

En parallèle et en arbitrage, nous révisons à la hausse notre opinion sur les actifs à haut rendement américains dans le compartiment Crédit. Nous considérons que le rendement proposé par cette classe d’actifs (entre 3 et 4%) qui s’accompagne d’une duration faible (donc une moindre sensibilité à la hausse des taux) offre un positionnement rentabilité/risque attractif. L’accélération de croissance de l’économie américaine au cours des mois à venir permet de limiter d’un autre côté tout dérapage du risque de défaut. L’agence Standard and Poor’s révise actuellement à la baisse ses anticipations sur ce point pour les États-Unis.

Nous sommes par ailleurs confiants quant à la capacité des marchés actions à traverser la phase d’adaptation actuelle, hésitante entre risque de surchauffe, donc de forte inflation, et déception dans la maîtrise de l’épidémie. La volatilité devrait augmenter à l’approche de l’été. Mais dans les prochaines semaines, le facteur favorable de révisions en hausse des résultats des sociétés devrait l’emporter renforçant l’idée que les actions constituent bel et bien un actif réel doté de caractéristiques de protection contre l’inflation, du moins pour les sociétés disposant de la capacité de préserver leur marge.

Les valorisations des marchés sont certes élevées, mais leurs primes de risques, relatives aux taux d’intérêt, permettent encore d’absorber une hausse des taux supplémentaire mesurée.

Au sein de la classe actions, notre préférence se porte sur les marchés européens et américains. Notre prudence sur les marchés émergents, mise en avant le mois dernier, est confirmée.

Enfin, du point de vue des thématiques de gestion, le contexte général s’avère toujours porteur pour les actifs cycliques ou value qui bénéficient à la fois de la reprise du cycle et de la hausse des taux d’intérêt.