Panorama économique
De nouveau, les craintes d’un ralentissement sévère de l’économie mondiale apparaissent, alors que d’une part, le conflit commercial entre les Etats-Unis et ses partenaires économiques ne montre aucun signe d’apaisement, et que d’autre part, plusieurs indicateurs économiques avancés indiquent toujours des signes de faiblesse parmi les principaux pays industriels.
C’est notamment le cas en Amérique du nord : de récentes statistiques confirment une perte de dynamique de l’activité après un premier trimestre qui est finalement apparu meilleur que prévu. Mais depuis, le monde des affaires s’inquiète de la tournure des événements géopolitiques. Cette incertitude est visible dans la publication du dernier indice PMI IHS Markit manufacturier qui cède 2,1 points à 50,5 en mai, soit son niveau le plus faible depuis septembre 2009 (cf. graphique ci-dessous).

Dans le détail, la composante liée à l’entrée des nouvelles commandes marque également un point d’inflexion en passant sous la barre des 50 points pour la première fois depuis août 2009. Mais au-delà du secteur industriel qui est fort logiquement le plus sensible aux difficultés actuelles du commerce international, il convient de s’interroger sur le comportement du consommateur. Ce dernier demeure plus que jamais la « pierre angulaire » de la croissance américaine pour les prochains mois. Or, deux statistiques récentes viennent assombrir les anticipations d’une consommation soutenue au second semestre.
En premier lieu, le ralentissement des créations d’emplois en mai à 75 000 unités interpelle (à comparer aux prévisions initiales de +185 000). Faut-il voir dans ces chiffres décevants un début de pénurie de mains d’œuvre dans un contexte de plein emploi (taux de chômage historiquement faible à 3,6%), ou au contraire, les prémices d’un retournement de conjoncture ?
En second lieu, la progression annuelle de 3,1% des rémunérations reste toujours modérée à ce niveau du cycle. En effet, les antécédents historiques montraient habituellement une nette accélération des salaires supérieure à +4% à l’approche du plein emploi. Il se pourrait même que le pic des augmentations salariales soit passé si on prend en compte la récente enquête du NFIB (National Association of Independant Business). Celle-ci indique un repli du nombre d’entreprises moyennes qui souhaitent augmenter ses salariés.
Pour autant, il est trop tôt pour se convaincre d’une désaffection des consommateurs américains. La confiance de ces derniers, mesurée soit par les indices de l’université du Michigan ou par celui du Conference Board restent sur des niveaux absolus élevés proches des plus hauts historiques. Ce n’est donc pas une surprise de constater en mai une hausse de 3,2% des ventes de détail sur douze mois glissants. Une évolution qui justifie de rester positif à moyen terme sur l’économie américaine, tout en fêtant en ce mois de juin la 10ème année de croissance interrompue depuis la crise financière de 2008-2009.
Malgré de fortes différences structurelles, la configuration économique européenne se rapproche de ce que l’on peut examiner outre-Atlantique. Les secteurs industriels sont handicapés par les incertitudes actuelles qui concernent aussi bien les négociations commerciales avec l’exécutif américain, le ralentissement de l’activité en Chine (dont celui du secteur de l’automobile) et la suite interminable du Brexit.
Le PMI manufacturier, reflet de la confiance des directeurs d’achat dans le secteur industriel, continue de s’effriter en mai (-0,2 point à 47,7). Une bonne nouvelle provient cependant du ratio « nouvelles commandes/stocks » qui affiche un redressement pour la 1ère fois depuis de nombreux mois. Il se pourrait que l’ajustement des stocks soit maintenant satisfaisant, facilitant dans ces conditions une reprise de la production. Et comme aux États-Unis, la situation des ménages de la zone euro se veut rassurante. Pour cela, il suffit d’analyser l’évolution de la confiance des consommateurs français mesurée par l’Insee (cf. graphique ci-dessous). Cet indice progresse pour le 5e mois consécutif sous l’effet d’une hausse du pouvoir d’achat, de la bonne tenue du marché de l’emploi et d’un stimulus budgétaire. Pour autant, les dépenses de consommation demeurent encore atones, signe d’une relative prudence de la part des consommateurs.

Dans ces conditions, et sauf dégradation supplémentaire sur le front des échanges commerciaux entre américains et chinois, la croissance européenne devrait pouvoir progresser de 1,4% cette année, avec néanmoins, une inquiétude persistante en Italie qu’il conviendra de surveiller.
Côté asiatique, l’économie chinoise est encore confrontée à des chiffres décevants de la production industrielle et des investissements. Il faudra probablement patienter plusieurs mois pour se rassurer sur la capacité des autorités politiques et monétaires à soutenir l’activité domestique, et ceci, quel que soit le scénario qui se jouera sur la scène internationale.
Marchés Financiers
La principale interrogation de tous les investisseurs à ce jour consiste à essayer d’interpréter l’évolution des rendements obligataires souverains des principaux pays développés. La plus représentative en la matière est certainement la courbe des rendements du Bund allemand à 10 ans qui vient de s’installer sous la barre des -0,30% (cf. graphique ci-dessous). Une situation jamais vue dans ce pays. C’est également le cas pour la France, dont le rendement de l’OAT 10 ans est passé négatif pour la première fois de son histoire.

Plusieurs raisons expliquent un tel mouvement des marchés obligataires :
- Le ralentissement économique mondial prend de l’ampleur avec les incertitudes sur les relations commerciales et politiques entre les États-Unis et d’autres pays (Chine, Europe, Inde, Japon, Mexique...). Cette faiblesse conjoncturelle de la croissance se répercute également dans les anticipations d’inflation. Celles-ci « s’écroulent » littéralement en zone euro, laissant croire au retour possible du risque déflationniste.
- Face aux craintes sur l’évolution de l’activité et sur la faiblesse durable de l’inflation, les banques centrales ont modifié leur communication. La Fed envisage une prochaine séquence de baisses des taux directeurs. Et le président de la BCE semble vouloir reproduire l’épisode du 26 juillet 2012 (qui consistait à faire tout ce qui est possible pour préserver l’euro) afin de relancer cette fois-ci l’inflation. Contrairement aux anticipations de fin 2018, les banquiers centraux souhaitent donc remettre en place des politiques monétaires accommodantes.
- Enfin, la faible visibilité sur le plan économique et les actions souvent imprévisibles de D. Trump (matérialisées sous forme de tweets) ont créé, pour les investisseurs, un climat anxiogène et adverse aux risques. Dans ces conditions, les opérateurs de marchés cherchent à se réfugier dans les actifs sécuritaires et en grande partie obligataires.
Cela étant, les marchés financiers ont pris acte des futures modifications imposées par les banques centrales. Le coût de l’argent devenant « moins cher », pour ne pas dire gratuit dans certains cas, une partie de ces liquidités pourrait être replacée sur les actions et servir de placements alternatifs. Sans réelle conviction de la part des opérateurs, les indices sont ainsi remontés vigoureusement, effaçant partiellement la consolidation du mois de mai. Il restera à juger des prochains choix politiques sur la scène internationale et des publications semestrielles des entreprises.
Dans ces conditions, et en tenant compte de la performance satisfaisante des marchés depuis le début d’année, il semble logique de maintenir une légère sous exposition sur les actifs à risque. Cependant nous resterons particulièrement vigilants lors des prochaines semaines sur l’ensemble des informations disponibles, et ses conséquences sur les marchés financiers.