Panorama économique
Comme le souligne le dernier rapport du FMI, le ralentissement économique est toujours à l’œuvre. L’organisme international abaisse de nouveau ses prévisions de -0,2 pt à 3% pour la croissance mondiale en 2019. Tous les pays sont impactés par le fameux « choc d’incertitudes ». Cette appellation, empruntée à plusieurs économistes, fait référence à la montée des restrictions commerciales initiées depuis plus de dix-huit mois par les États-Unis. La volonté du président américain de rééquilibrer les grands échanges commerciaux avec ses différents partenaires économiques, dont la Chine en priorité, s’est soldée par un « bras de force » entre les deux grandes puissances du moment. La menace d’une montée progressive des droits de douane américains sur les produits d’importation chinoise, et les mesures de représailles du côté asiatique (moindres achats de produits agroalimentaires, baisse de la devise...) ont fini par pénaliser l’ensemble du commerce international. C’est principalement le secteur manufacturier qui subit les conséquences d’un tel environnement, victime d’un repli de la production et d’une baisse des investissements.
Ces dernières semaines, de nombreux observateurs ont mis en avant un risque de contagion de la faiblesse du secteur industriel à l’ensemble de l’économie. Cela se traduirait alors par la fin du cycle de croissance aux États-Unis, et probablement l’irruption d’une récession économique. Cette analyse a été renforcée en octobre avec la publication d’indicateurs avancés décevants. L’indice ISM manufacturier a accentué son repli en touchant son point le plus bas depuis 10 ans (-1,3 pt à 47,8). Mais c’est la baisse sensible de l’ISM non manufacturier, revenu à son niveau d’août 2016, qui a attisé les craintes des économistes.
Pour autant, faut-il dès à présent s’alarmer des craintes d’une éventuelle récession aux États-Unis dans les prochains mois ? Il semble prématuré d’envisager un tel scénario. En effet, toutes les statistiques publiées outre-Atlantique ne montrent pas forcément une poursuite de la dégradation de l’activité. À titre d’exemple, à l’inverse de l’ISM, l’enquête publiée par Markit sur le moral des chefs d’entreprises dans le secteur manufacturier affiche une hausse de son indice PMI qui parvient à se maintenir au-dessus de la barre phycologique des 50 points (cf. graphique ci-dessous).

Mais les perspectives de croissance de l’économie américaine dépendront principalement du comportement des consommateurs. Ces derniers n’ont pour l’instant aucune raison de s’inquiéter, et de remettre en cause leur envie de consommer pour les prochaines fêtes de Thanksgiving ou pour celles de la fin d’année. En effet, le marché de l’emploi reste bien orienté. Les 136 000 créations d’emplois en octobre, légèrement inférieures à la moyenne mensuelle enregistrée depuis le début d’année (+161 000), sont néanmoins suffisantes pour permettre un nouveau repli du taux de chômage. Ce dernier baisse de 0,2 pt à 3,5%, son plus faible niveau depuis 50 ans ! Autre facteur rassurant, l’amélioration du secteur immobilier. Celui-ci avait plafonné ces derniers mois, mais le repli des taux hypothécaires semble avoir servi de catalyseur positif. La forte hausse des mises en chantier (+15,3% en août, au plus haut sur 12 ans) et celle des permis de construire (+7,7%) illustrent parfaitement la bonne tenue de ce secteur. Enfin, dans un autre registre, la situation « financière » des ménages américains est satisfaisante. Leur taux d’épargne est proche des plus hauts depuis vingt ans à 8,1%, avec une faible utilisation de l’emprunt dans la phase de reprise économique suite à la crise financière. Enfin, sa richesse patrimoniale est élevée, compte tenu des prix des actifs financiers et de l’immobilier.
La situation de l’économie européenne fait apparaître également des divergences. S’il semble pratiquement acquis que l’Allemagne soit déjà en récession, l’Espagne et la France sont dans une configuration économique plus favorable. Si le taux de chômage est sensiblement plus élevé dans l’hexagone que de l’autre côté du Rhin, les enquêtes de confiance des acteurs économiques sont dans une dynamique positive, et toutes au-dessus de leurs moyennes historiques. C’est le cas de l’indice général du climat des affaires calculé par l’INSEE. Il progresse d’un point en septembre à 106, tiré vers le haut par les services, la construction et la distribution. Positionnement identique pour le consommateur français, dont le moral rebondit sensiblement depuis la crise des « gilets jaunes » (cf. graphique ci-dessous). Cette dernière statistique est de bonne augure pour une progression de la consommation dans les prochains mois et un soutien à la croissance française.

Marchés Financiers
De nombreux investisseurs demeurent perplexes quant à la bonne tenue des marchés financiers, avec des indices européens en progression de 15 à 20% depuis le début de l’année. Des performances qui semblent paradoxales dans un contexte économique marqué par les incertitudes économiques et politiques. Le contexte macro-économique devrait avoir également des conséquences sur la croissance des bénéfices des entreprises. Selon le consensus Facset, les analystes financiers n’attendent plus qu’une progression de 2 à 4% des profits des sociétés européennes pour l’exercice 2019. Ces anticipations pourraient encore se dégrader à l’occasion des publications des résultats du troisième trimestre, et aboutir à l’absence de croissance des profits pour cette année, contrairement aux prévisions réalisées en janvier dernier (+10%)
Cependant, d’autres paramètres peuvent également justifier la bonne tenue actuelle des actifs à risques.
La valorisation de certains marchés, comme ceux situés en Europe reste raisonnable. En effet, à l’image de l’indice Eurostoxx 50, sa performance sur deux ans glissants est étale (cf. graphique ci-dessous), alors que les profits des entreprises progressaient de 8 à 10% sur la même période. Il en ressort un niveau d’évaluation proche des normes historiques, mais faible au regard des rendements des obligations à long terme.

Face à un cadre économique offrant peu de visibilité, les banques centrales ont modifié depuis plusieurs mois leur comportement. Elles ont ainsi adopté de nouveau une politique monétaire accommodante, se traduisant par une baisse marquée des rendements sur les marchés obligataires. Confrontés au manque d’alternative de placements rémunérateurs, les investisseurs n’ont alors d’autres choix que d’accepter le risque pour tenter d’améliorer leur rentabilité de leurs placements sur du long terme.
Enfin, il semble intéressant de prendre en compte la psychologie des investisseurs. Ces derniers demeurent dans une attitude prudente, notamment vis-à-vis des valeurs européennes et de l’ensemble des secteurs liés aux cycles économiques. Cet état d’esprit se mesure notamment par l’abondance des capitaux qui fuit les marchés actions pour se réfugier sur des actifs défensifs tels que le monétaire, les obligations ou l’or.