Panorama économique
La crise sanitaire perturbe toujours les économies...
De nombreuses questions étaient restées sans réponse au début de l’été. La crise sanitaire allait-elle toucher à sa fin avec les progrès de vaccination ? Les espoirs de reprise économique mondiale allaient-ils être confirmés ? Et enfin, l’inflation qui est sensiblement repartie à la hausse au premier semestre s’installe-t-elle durablement dans le temps sur des niveaux plus élevés que lors de la dernière décennie ?
Finalement, à l’approche de la « dernière ligne droite » de l’année, les incertitudes sont encore nombreuses, même si les perspectives d’une forte reprise de l’activité au sein des principales zones géographiques demeurent le scénario le plus probable à ce jour. Mais depuis 18 mois, l’aspiration pour un monde économique prospère passe par la gestion de la pandémie. Depuis les annonces des premiers vaccins en novembre 2020 à leurs mises en œuvre opérationnelles, en passant par de nombreuses périodes de confinement plus au moins localisées, toutes les hypothèses ont été étudiées afin de déterminer le moment ou cette épidémie ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Une relative visibilité sur ce sujet aurait pu se mettre en place si le virus n’avait pas muté, le rendant de ce fait beaucoup plus facilement transmissible. D’où les mauvaises nouvelles en juillet et août avec une nette reprise des contaminations, y compris dans les pays censés être les mieux protégés par un taux de vaccination élevé, comme cela a été le cas en Israël ou en Islande. Il s’avère que l’espérance d’une immunité collective pour les pays développés s’est éloignée. Cependant, il est rassurant de constater que l’objectif initial d’une maîtrise de la logistique hospitalière reste d’actualité, malgré la recrudescence des contaminations. Cela permet ainsi aux autorités politiques de maintenir des économies « ouvertes », au-delà de quelques contraintes encore incontournables, comme sur les voyages sur longues distances... mais la croissance demeure solide.

Après les bons chiffres du PIB au second trimestre, le redressement de l’activité est donc confirmé, et s’affiche comme l’un des rebonds les plus forts et les plus rapides depuis un siècle en temps de paix.
Il convient maintenant de se projeter dans le futur, et valider si la trajectoire actuelle de la production mondiale peut demeurer sur la même dynamique. Deux raisons laissent à penser que l’activité devrait continuer à croître, mais sur un rythme moins rapide que précédemment. En premier lieu, comme évoqué précédemment, la nouvelle flambée des contaminations joue un rôle psychologique sur les ménages. Ces derniers peuvent choisir de temporiser en décalant leurs dépenses dans l’attente d’une meilleure visibilité sur la situation sanitaire. Cela s’est constaté aux États-Unis avec une chute de l’indice de confiance de l’Université du Michigan qui retombe en août sur son niveau de décembre 2011 (-10,9 points à 70,3) qui explique en partie la faiblesse des ventes de détail sur la période. En second lieu, les indicateurs économiques avancés se situaient sur des records historiques, et ne pouvaient donc que revenir vers une certaine normalité. Les indices PMI, notamment dans les services, le montrent nettement, que cela soit outre-Atlantique (-4,8 points à 55,1) ou en zone euro (-1,4 point à 61,4). Pour autant, il est prématuré d’évoquer un net affaiblissement de la croissance sur la dernière partie de l’année et en 2022. Les estimations de progression du PIB mondial restent proches de +6,0% pour 2021 et de +4,5% pour le prochain exercice.
Une inflation persistante
L’inflation est l’autre sujet récurrent depuis la réouverture des principaux grands pays développés. Face à la hausse des prix des matières premières et à des disruptions dans les chaines de production (à l’image des composants électroniques) dans un contexte de forte reprise de la demande, les prix de détail « s’envolent ». Ils s’affichent en progression de 3% en août en zone euro (et même +3,9% en Allemagne), tandis qu’ils culminent sur un an glissant à +5,4% aux États-Unis en juillet dernier, un plus haut depuis 13 ans. Bien que plus élevés par rapport aux prévisions initiales, ces chiffres inquiètent peu les spécialistes et les banques centrales, qui anticipent une normalisation progressive de l’inflation dans les 18 prochains mois. Ils mettent en avant une amélioration de la fluidité des échanges mondiaux et un faible risque d’effets de « second tour » qui se traduirait par une hausse généralisée des salaires. Mais le principal argument des économistes concerne l’idée d’une prochaine détente des cours des matières premières, qu’elles soient énergétiques (pétrole principalement) ou industrielles (cuivre, aluminium...). Cela permettrait aux prix des produits « entrants » dans les chaines de production de baisser, comme il est possible de le constater dès à présent dans les récentes enquêtes ISM (Cf. graphique ci-dessous).

Marchés Financiers
La période estivale s’est révélée somme toute très calme pour les marchés financiers. Il faut bien reconnaître que le contexte économique et financier a peu évolué sur la période, amenant la grande majorité des classes d’actifs à se stabiliser, laissant ainsi intacte la hiérarchie des performances depuis le début de l’année.
Un environnement encore porteur...
L’inflexion la plus notable au sein de l’environnement des marchés réside dans la confirmation d’un ralentissement de la croissance économique au cours des derniers mois. Si un fléchissement de la croissance d’ordre mécanique est bien normal après la très forte reprise constatée depuis un an, la question porte clairement sur le comportement des agents économiques. La dégradation des différentes enquêtes d’opinion (PMI, confiance des consommateurs notamment) traduit une évolution des adaptations aux contraintes, probablement en lien avec la vague du variant delta. À ce stade, il n’y a rien d’alarmant, d’autant plus que l’on part d’un point très haut.

Notons toutefois une nette différence entre les pays développés, avec les USA et l’Europe qui connaissent un rythme de croissance encore élevé, et les pays émergents particulièrement pénalisés par la désynchronisation de l’économie chinoise.
D’un autre côté, la normalisation des politiques monétaires est en marche. Elle s’effectuera probablement de manière très graduelle et s’inscrira dans un calendrier variable selon les pays.
Les marchés financiers seront bien entendu particulièrement attentifs aux mesures annoncées, puis appliquées par la FED dont la tâche devient plus ardue tant elle est aujourd’hui confrontée à un environnement avec un peu moins de croissance et un peu plus d’inflation. La très probable réduction de ses achats d’actifs (tapering) constituera la première étape d’un moindre soutien à l’économie et pourrait contribuer à une hausse modérée des taux longs.
Il ressort ainsi que la combinaison d’une croissance un peu moindre, mais encore solide, et de politiques monétaires un peu moins accommodantes, mais de manière très progressives, constitue un contexte un peu moins favorable, mais toujours solide pour les actifs risqués.
...mais des risques en embuscade
Les risques de déviation d’une trajectoire plutôt rassurante sont identifiés :
- S’agissant du Covid : la progression des vaccinations permet désormais d’atténuer largement les impacts sur les économies. Sans pouvoir exclure la diffusion de variants plus dangereux, ce risque devrait s’estomper dans les mois à venir.
- Les anticipations d’inflation : il s’agit là d’un sujet majeur pour 2022. L’inflation est réputée transitoire pour la FED, jusqu’à preuve du contraire.
- Un dérapage de la croissance : les prévisions 2022 font état d’une stabilisation à un niveau élevé dans les pays développés et une accélération en Chine. Une baisse supplémentaire des indicateurs ne manquerait pas d’affecter les prévisions de résultats à cette échéance.
- La situation de la Chine : l’économie chinoise connait un ralentissement conjoncturel lié à un tassement du commerce mondial et à une volonté de piloter le niveau de croissance via des restrictions du crédit. Par ailleurs, du point de vue plus structurel, l’objectif de « prospérité commune » établi par les autorités et visant à élever collectivement le niveau de vie de la population chinoise, passe par une régulation de nature à modifier les équilibres établis sur la dernière décennie. Cette vision politique fondamentale réduit la visibilité et augmente le risque à court terme.
Au total, les marchés financiers doivent désormais appréhender une nouvelle étape dans l’après crise : ce que nous pourrions appeler un milieu de cycle qui mixe moins de bonne surprises économiques et moins de liquidités. Ce qui signifie probablement une volatilité accrue. Les précédents historiques se sont caractérisés par des performances plus modestes et des valorisations des marchés actions évoluant sous la contrainte d’une moindre croissance. Mais chacune de ces périodes est différente et, pour la présente, les supports sont encore importants dans un monde où les politiques économiques conserveront une très grande vigilance et un caractère proactif.
Les marchés actions conservent un attrait relatif aux autres classes d’actifs dans la mesure où les taux d’intérêt vont rester bas pour une période encore longue. Les résultats constituent toujours un soutien important. Le potentiel de hausse est limité compte tenu des valorisations mais à l’inverse les primes de risque offrent un support.