Panorama économique
Les récentes interventions orales des banquiers centraux, qui annoncent une nouvelle fois la mise en place de politiques monétaires accommodantes dans de nombreuses régions du monde, peuvent interpeller les observateurs. Trois raisons peuvent légitimer un tel changement de comportement en comparaison d’une attitude beaucoup plus rigoureuse affichée par la BCE ou la Fed en décembre dernier : une faiblesse conjoncturelle de l’activité, l’absence de signes inflationnistes majeurs ou une moindre dépendance des banques centrales vis-à-vis du pouvoir politique.
Sur ce dernier point, à l’exception récent de la Turquie, qui expose clairement ses choix politiques avec la mainmise de l’exécutif sur les autorités monétaires, le débat est trop idéologique et complexe pour le détailler dans ce chapitre.
Il convient donc de se concentrer sur les sujets plus macro-économiques que sont la croissance et l’inflation aux Etats-Unis et en Europe.
Outre-Atlantique, il semble évident que le ralentissement de l’activité est d’actualité. Encore faut-il nuancer ces propos. En effet, la progression du PIB au premier trimestre 2019 avait été particulièrement vigoureuse (+3,1% en annualisé), et certainement pas extrapolable dans le temps. Comme dans tous les pays occidentaux, le secteur manufacturier est le plus sensible aux pressions exercées par l’administration Trump sur le commerce international. Cependant, le repli du niveau de confiance des industriels américains n’est pas forcément le reflet de l’anticipation d’une prochaine récession. Les dernières enquêtes réalisées en juin indiquent une baisse modérée de 0,4 point pour l’ISM manufacturier à 51,7, tandis que la même étude menée par IHS PMI Markit constate une quasi-stabilisation à 50,6. En parallèle, l’immobilier retrouve des points d’appui avec le récent repli des taux d’intérêt (hausse de 2,5% des ventes dans l’ancien en mai). Les principales difficultés du secteur à ce jour sont relatives au renchérissement des coûts des nouvelles normes de construction, au manque de foncier disponible ou à la pénurie de main d’œuvre qualifiée. Par ailleurs, le consommateur américain n’a pas de raisons fondamentales de s’inquiéter, et devrait toujours être « le fer de lance » de la croissance au second semestre. Les créations d’emplois de juin (+224 000) ont fait oublier la déception du mois précédent (+72 000), tandis que le taux de chômage (3,7%) se maintient proche des plus bas historiques. Par conséquence, au-delà du second trimestre qui va afficher une activité moins dynamique que celle enregistrée en début d’exercice, le PIB pourrait néanmoins progresser de +2,5% sur l’ensemble de l’année 2019. Un chiffre qui demeure satisfaisant après 10 années de croissance ininterrompue.
Finalement, la baisse envisagée des taux serait plus une inquiétude sur l’inflation, dont l’évolution reste particulièrement contenue à ce niveau du cycle économique. En effet, le Core PCE Price Index (Personal Consumption Expenditures), indicateur d’inflation émanant du « panier de la ménagère » hors produits alimentaires et énergétiques particulièrement suivi par les membres de la Fed, se maintient sous l’objectif des autorités monétaires (cf. graphique ci-dessous).

Des raisons identiques peuvent également justifier le dernier discours du président de la BCE du 18 juin dernier à Sintra au Portugal. Mario Draghi explique qu’il utilisera toute la flexibilité permise par son mandat pour faire converger l’inflation vers +2%. Un objectif qui n’a plus été atteint depuis 2013, et qui peut entamer la crédibilité de la banque centrale européenne à remplir sa mission de stabilité des prix. Mais l’Europe doit également faire face à une croissance de faible ampleur. Comme aux Etats-Unis, le rythme des affaires au premier trimestre (+0,4%) a été rassurant. Mais le second trimestre s’avère plus compliqué, notamment pour l’Allemagne. Ce pays subit de plein fouet le ralentissement de l’économie chinoise et les difficultés du commerce international sous l’effet des menaces de D.Trump de rehausser ses droits de douane. La production industrielle allemande ne cesse de se dégrader malgré un rebond en mai, et s’installe bien en dessous de la moyenne de la zone euro (cf. graphique ci-dessous).

Dans ces conditions, la croissance allemande pourrait être nulle au second trimestre, voire négative selon certains économistes. Heureusement, l’Espagne et la France seront en mesure de présenter de meilleurs indicateurs fondamentaux. Dans ces pays, la demande domestique devrait compenser les faiblesses du secteur industriel, et permettre à l’Europe d’afficher un taux de croissance en 2019 de +1,2%.
Pas de réelle surprise du coté émergent asiatique avec une croissance chinoise de +6,2% au second trimestre en rythme annuel, soit le niveau le plus faible depuis 27 ans. Cependant, ce chiffre est conforme aux objectifs des autorités politiques, et les dernières publications statistiques de mois de juin sont de bons augures pour le second semestre avec un rebond de la production industrielle (+6,3%) et des ventes de détail (+9,8%).
Marchés Financiers
La consolidation des marchés en mai aura été de courte durée. Le temps pour les banquiers centraux de relancer l’hypothèse d’un nouvel assouplissement monétaire, y compris en Europe.
Tous les indices sont ainsi rapidement revenus sur les plus hauts de l’année. Parmi la performance la plus symbolique, on peut souligner l’indice S&P 500 des grandes valeurs américaines qui franchit la barre psychologique des 3 000 pts pour la première fois de son histoire (cf. graphique ci-dessous).

Les investisseurs ont donc pris acte à court terme du soutien sans faille des banques centrales, particulièrement celles des Etats-Unis et de la zone euro. Les marchés obligataires ont également souligné à leur manière le nouveau comportement des autorités monétaires. Les rendements des obligations souveraines se sont encore détendus. Celui de l’emprunt d’état américain à 10 ans est retombé sous les 2% début juillet (contre un plus haut à 3,26% en octobre 2018). Plus spectaculaire est le chemin du Bund allemand qui affichait en début de mois un rendement sur un nouveau plus bas historique à -0,40% !
Les investisseurs en actions ont également pris acte de la trêve temporaire au dernier G20 au Japon entre D. Trump et Xi Jinping au sujet des relations commerciales entre les deux pays. Les opérateurs de marchés semblent repousser à plus tard le risque d’une aggravation du conflit commercial entre les grandes puissances mondiales.
Cependant, tous les risques n’ont pas pour autant disparu . La forte baisse des rendements obligataires est-elle le signe d’un ralentissement économique plus intense dans les prochains mois, où d’un éventuel retour des risques déflationnistes ? La « guerre commerciale » entre les Etats-Unis et l’ensemble de ses partenaires économiques est loin d’être achevée. Ce sujet devrait être au cœur de la campagne électorale du président américain avec un éventuel dénouement avant les élections présidentielles de novembre 2020. Enfin, les tensions au Moyen-Orient dans le détroit d’Ormuz, la reprise des négociations du Brexit à la rentrée et d’éventuelles élections générales avancées en Italie pourraient être également des événements susceptibles d’inquiéter les marchés financiers.
Mais à court terme,tous les yeux des investisseurs seront tournés vers les publications semestrielles des entreprises . Ces dernières devraient générer quelques déconvenues compte tenu du ralentissement économique observé au second trimestre sur la scène mondiale.