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Conjoncture et marchés

Panorama économique

Les prévisions de croissance pour l’économie mondiale en 2020 semblaient relativement consensuelles en début d’année, avec un pronostic légèrement supérieur à 3%, soit un rythme d’expansion proche de celui de 2019.

Mais les estimations initiales des économistes pourraient être remises en cause avec les premières statistiques de janvier et l’irruption d’un risque sanitaire au cœur de l’économie chinoise.

À priori, l’objectif d’une onzième année de croissance aux États-Unis devrait constituer le scénario central. La plupart des principaux indicateurs avancés sont bien orientés. C’est notamment le cas de l’ISM manufacturier qui avait donné des signes de faiblesse depuis plusieurs mois, en s’inscrivant sous la barre des 50 points, niveau qui valide une baisse de la production. Or, en janvier ce même indice progresse de 3,1 points à 50,9, signifiant à priori la fin de la récession industrielle. Des chiffres qu’il conviendra néanmoins de confirmer, alors que l’ensemble du secteur aéronautique va être impacté par l’arrêt de la production du 737 max, avion incontournable pour le constructeur Boeing et pour un grand nombre d’équipementiers. L’immobilier, quant à lui ne présente pas le moindre doute. La dynamique sectorielle immobilière demeure forte, comme l’indique la hausse de 16,9% des mises en chantier de logements en décembre dernier, soit un plus haut depuis 13 ans (cf. graphique ci-dessous). Tendance identique également sur les volumes de négociations, avec une progression de 3,6% des ventes de logements anciens (+10% sur un an) qui reviennent sur leur meilleur niveau depuis février 2018.

Évolution des mises en chantier et des permis de construire aux Étas-Unis

Source :Thomson Reuters Blooomberg ODDO BHF Securities

Évolution des mises en chantier et des permis de construire aux Étas-Unis

La publication du PIB américain au quatrième trimestre 2019 montre bien la résilience de son économie. Ce dernier a progressé de 2,1% en rythme trimestriel annualisé, un chiffre qui peut paraitre à première vue satisfaisant. Pour autant, l’analyse détaillée de cette statistique laisse filtrer quelques interrogations sur la robustesse présumée de l’économie américaine. La consommation des ménages, véritable socle de la croissance outre-Atlantique, faibli depuis trois trimestres consécutifs. La progression n’est plus que 1,8% sur les trois derniers mois de l’année 2019, contre une hausse de 3,2% les trois mois précédents. Par ailleurs, les investissements des entreprises ne cessent de décroitre depuis neuf mois, compensés par une progression des investissements publics, dont l’impact est négatif sur le déficit budgétaire. Pour autant, il ne s’agit pas de remettre en cause les anticipations de progression du PIB en 2020, comprises entre +1,8% et +2,0% par les spécialistes. Mais, les difficultés de Boeing, un possible essoufflement de la demande domestique et les conséquences de la fermeture partielle de nombreuses d’entreprises en Chine pourraient générer un passage à vide de l’économie américaine en ce début d’année.

L’Europe offre comme d’habitude un visage contrasté. La faiblesse de l’activité au dernier trimestre 2019 (+0,1%), comparable à celle enregistrée au premier trimestre 2013, contraste avec l’espoir d’un rebond attendu sur cette fin d’année. Une fois de plus, l’Italie confirme son statut peu enviable de maillon faible de la zone euro avec un repli trimestriel de 0,3% de son PIB. Mais la principale surprise provient de la France qui affiche une baisse complétement inattendue de son activité sur la même période (-0,1%). La multitude des mouvements sociaux en décembre, et les craintes sur la réforme des retraites ont pénalisé la consommation en fin d’année. D’un point de vue plus technique, l’ajustement des stocks a été également un contributeur négatif à la croissance. Des « vents contraires » qui devraient être néanmoins temporaires, permettant en principe une reprise de l’activité au cours du premier semestre 2020. Mais en parallèle à ces chiffres de fin d’année inférieurs aux prévisions, des indicateurs avancés montrent un visage plus rassurant de l’économie européenne. C’est l’exemple de l’indice PMI manufacturier en Allemagne qui parvient à montrer une moindre dégradation du secteur industriel (+1,6 point à 45,3). En France, l’indice de confiance du consommateur récupère en janvier (+2 points à 104) une grande partie des pertes du mois précédent, ce qui valide l’anticipation d’une meilleure tenue de la consommation en ce début d’année.

Cependant, les multiples prévisions macro-économiques sont aujourd’hui en suspens pour cause de crise sanitaire en Chine, nécessitant la fermeture partielle des unités de production, et la mise en quarantaine de nombreuses métropoles chinoises. L’épisode actuel du coronavirus le plus comparable a été celui de la propagation du virus SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère), à l’origine de plus de 800 décès en 2003. Sur le plan économique, comme le montre le graphique ci-dessous, la production industrielle, les investissements et les ventes de détails avaient fortement chutés en Chine avant de se reprendre rapidement.

Les répercussions du virus SRAS en 2003 en Chine sur les principaux vecteurs d’activité
Les répercussions du virus SRAS en 2003 en Chine sur les principaux vecteurs d’activité

Peut-on espérer un scénario identique en 2020 ? Il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives aussi bien sur l’économie chinoise, que sur les conséquences de cette pandémie sur l’ensemble des autres continents. Il serait cependant logique que la croissance mondiale soit affectée sur ce premier trimestre, malgré l’ensemble des mesures prises par les autorités compétentes en matière sanitaire, sociale et financière. En effet, le poids de l’économie chinoise dans le reste du monde est autrement plus important à ce jour qu’il ne l’était en 2008. À titre d’exemple, la Chine représente 32% de la croissance mondiale (17% en 2003), possède un PIB équivalant à 19% du PIB mondial (4% en 2003). Et les produits fabriqués dans les pays occidentaux contiennent en moyenne 20 à 30% de produits intermédiaires en provenance de Chine. Des ruptures dans les chaines d’approvisionnement sont donc à craindre dans les prochaines semaines.

Marchés Financiers

Tout allait bien jusqu’au 17 janvier. En effet, l’année avait commencé sous de bons auspices, avec notamment une poursuite de la hausse des grands indices dans le sillage de 2019. L’espoir d’un scénario économique idéal était alors envisagé, avec une reprise progressive de la croissance mondiale en partie liée à un apaisement des menaces géopolitiques (Brexit et conflit commercial sino-américain). Le tout, dans un contexte sans véritable inflation, pouvant justifier ainsi une poursuite des politiques monétaires accommodantes menées par les banques centrales.

Mais l’apparition d’un risque sanitaire au cœur de l’économie chinoise est venue semer le trouble. En effet, comme en 2003 avec le SRAS, la découverte du coronavirus a justifié une fermeture partielle des relations commerciales et humanitaires avec le reste du monde. Les opérations de confinement de la population, et les restrictions de déplacement des populations (touristiques ou d’affaires) vont se traduire par un fort ralentissement de l’activité au sein du pays. À l’extérieur de la Chine, les chaines de logistique devraient être sensiblement déséquilibrées à court terme. D’un point de vue sectoriel, la technologie, le luxe, l’automobile, les compagnies aériennes et les matières premières devraient être les plus affectés par le développement de ce virus.

Cela étant, les investisseurs sont loin d’avoir cédé à la panique. En effet, après une courte période de consolidation, qui a vu les indices actions céder en moyenne entre 4 et 5%, les principales places boursières ont repris le chemin de la hausse. Le meilleur exemple est celui du marché américain qui a effacé, en l’espace de trois séances, toutes ses pertes, pour revenir battre un nouveau record historique. Le coronavirus vu pour les investisseurs américains : un épiphénomène, pouvant impacter l’économie à court terme seulement, mais compensé par d’énormes liquidités disponibles !

Les conséquences d’une telle situation sont finalement plus visibles sur deux actifs. Le premier concerne les prix du pétrole qui se sont effondrés de plus de 20% sur les points hauts de l’année (51 $ pour le WTI à la fin de janvier contre 65 $ le 8 janvier dernier – cf. graphique ci-dessous). Et le second est relatif aux obligations d’État qui profitent des craintes du ralentissement de l‘économie mondiale, et des anticipations de recul de l’inflation. Les taux des emprunts d’État sont ainsi repartis à la baisse, à l’image de celui de l’OAT 10 ans qui a perdu jusqu’à 30 points de base depuis le début de l’année, pour revenir à -0,18% sur ses points bas récents.

Évolution des cours du pétrole (référence brut leger WTI)
Évolution des cours du pétrole (référence brut leger WTI)