Panorama économique
À l’aube d’un nouvel exercice, il est de tradition de faire de la prospective et d’essayer de se positionner sur ce que pourrait être l’économie mondiale en 2020.
Comme le montre le graphique ci-dessous, la croissance du monde n’a cessé de s’effriter depuis le haut de cycle touché pratiquement deux ans en arrière. Il n’y pas eu de véritable rupture ou de choc violent exogène sur cette période, mais plutôt une montée en puissance régulière des incertitudes politiques qui ont progressivement pénalisé le commerce international. L’élection de D. Trump en novembre 2016 a complètement rebattu les cartes des relations commerciales entre les États-Unis et le reste du monde. Après une année de transition, le président américain, élu sous le slogan make America great again, a décidé de réactiver des mesures de protectionnisme, dont l’idée centrale a consisté à augmenter les taxes douanières sur les produits importés. Cela s’est traduit principalement par une « guerre commerciale » entre américains et chinois, alimentée régulièrement par une communication instinctive et à géométrie variable du locataire de la Maison Blanche.

À ce jour, si le ralentissement de la production mondiale est devenu une réalité, les économistes évoquent une phase de stabilisation, voire une modeste reprise qui pourrait se concrétiser à partir de la fin du 1er trimestre 2020.
C’est notamment le cas aux États-Unis, où le PIB progresse de 2,1% sur le troisième trimestre en rythme annualisé. Un chiffre supérieur aux prévisions des économistes (+1,6%) qui démontre encore une fois la capacité de l’Amérique du nord à résister à un contexte mondial moins favorable pour les affaires. Le secteur le plus touché concerne les investissements des entreprises (-2,7% sur le trimestre) qui subit les effets collatéraux du conflit commercial sino-américain. Mais la demande domestique demeure solide et constitue toujours le socle de la croissance américaine. En effet, la plupart des facteurs qui déterminent le comportement des consommateurs sont bien orientés. À commencer par les excellents chiffres de l’emploi en octobre. 128 000 nouveaux postes ont été créés, et les statistiques des deux mois précédents ont été révisées à la hausse avec un additionnel de 95 000 emplois supplémentaires. Le taux de chômage se maintient sur un niveau historiquement faible à +3,6%. Le marché de l’immobilier est également à la fois un bon baromètre du niveau de confiance des ménages américains et un potentiel facteur d’accroissement de la richesse patrimoniale des propriétaires. Toutes les dernières statistiques démontrent la robustesse de ce secteur. Pour ne citer que deux chiffres, les permis de construire atteignent 1,46 million d’unités en octobre (+5%), et retrouvent le même niveau touché en mai 2007. Selon les calculs de la FHTA (Federal Housing Finance Agency), les prix des maisons ont progressé de 0,6% en septembre dernier, soit le rythme mensuel le plus élevé depuis février 2018 et de +5,1% sur un an glissant.
Si on peut écarter maintenant tout risque de récession aux États-Unis, une hypothèse était couramment évoquée pendant l’été dernier, l’économie américaine devrait afficher une onzième année de croissance consécutive, l’un des cycles les plus longs de l’histoire. Comme dans de nombreux pays, c’est une nouvelle fois la demande domestique qui fournira la contribution la plus importante à cette nouvelle progression du PIB, estimée à +1,8% selon le consensus pour 2020. Les ménages américains profitent pleinement de la bonne tenue du marché de l’emploi avec des créations de nouveaux postes qui frôlent les 2 millions d’unités sur les 11 premiers mois de l’année. Le taux de chômage s’inscrit sur les plus bas historiques (3,5% en novembre dernier), et aucun retournement de la situation n’est prévisible à ce jour. La bonne tenue de la bourse associée à la fermeté des prix de l’immobilier sont des éléments qui valorisent le patrimoine des américains, qui par ailleurs, ont peu utilisé l’effet de levier de la dette depuis la dernière grande crise financière. Dans ce contexte, la consommation en hausse de 3,3% sur un an glissant en novembre restera le point fort de l’économie américaine. L’inconnue majeure se situe au niveau des entreprises plus significativement marquées par l’incertitude politique sur le plan extérieur. Les indicateurs avancés ne permettent pas d’apporter une réponse précise quant à la contribution du secteur industriel à la croissance dans les prochains mois. En effet, les deux principales statistiques en la matière sont divergentes. L’indice de confiance des chefs d’entreprises calculé, selon IHS Markit, indique une progression de la production à l’horizon de 6 mois. Vision différente selon l’ISM manufacturier qui s’inscrit à moins de 50 points (48,1 en novembre), et valide une poursuite de récession dans le secteur de l’industrie. La volonté des autorités politiques américaines et chinoises de véritablement collaborer ensemble à rendre le commerce international plus serein et équitable sera probablement l’une des clés de la croissance mondiale pour l’année prochaine.
Peut-on espérer un mieux de l’Europe lors des prochains mois après une relative déception depuis deux ans ? Le vieux continent a été particulièrement affecté par les tensions commerciales internationales et par le ralentissement de l’activité chinoise. L’économie allemande, dont le commerce extérieur était l’une de ses forces, a évité la récession de justesse. Outre une moindre dynamique des exportations, les difficultés du secteur automobile, face aux changements des normes anti-pollution, ont accentué la chute de la production industrielle. Cette dernière affiche encore un repli de 5,3% en octobre sur un an glissant, et connait son plus fort déclin depuis novembre 2009&bsp;! Mais il s’agit peut-être de l’histoire ancienne. À partir d’une base de comparaison plus facile, les derniers indicateurs avancés publiés outre-Rhin montrent une stabilisation des enquêtes de confiance des directeurs d’achat du secteur manufacturier depuis octobre. Il faudra cependant attendre le prochain semestre pour se rassurer du retournement progressif de l’industrie allemande. En attendant, les services et la demande domestique ont permis à la croissance européenne de résister, et de rester sur un niveau proche de son potentiel (+1,2% – cf. graphique ci-dessous).

Comme aux États-Unis, les ménages européens profitent du repli régulier du taux de chômage et des gains de pouvoir d’achat comme cela s’est vu en France. C’est une des raisons qui explique la poursuite du rebond de la confiance des consommateurs français qui s’inscrit bien au-dessus de sa moyenne historique (100) à 106 en novembre. Les espoirs d’une forte reprise de l’activité en 2020 sont néanmoins limités. La Banque de France est modérément optimiste pour le prochain exercice dans l’hexagone. La progression du PIB serait limitée à +1,1%, pénalisée par la faiblesse de la demande extérieure et un léger ralentissement sur le plan domestique, malgré une épargne abondante des ménages. Mais l’amélioration du contexte économique en Allemagne, et l’ajustement réalisé sur les stocks depuis un an, devraient profiter à l’ensemble de la zone euro, dont les spécialistes attendent une progression de l’activité proche de celle enregistrée cette année (+1,1%/+1,2%).
Enfin, la Chine sera aussi surveillée de près par les économistes. Tout le monde s’accorde sur l’ajustement structurel que réalise le pays en donnant la priorité aux services et aux métiers à plus forte valeur ajoutée, au détriment des simples activités de production. Il est donc logique que la croissance perde en intensité, passant de +10% en 2011 à +6% à ce jour. Les autorités politiques se doivent néanmoins de conserver une certaine dynamique économique afin de continuer à créer plus de 10 millions d’emplois par an. Cet objectif rend nécessaire les soutiens monétaires et budgétaires mis en place par le gouvernement. Les premiers effets positifs de cette relance tardent toutefois à se concrétiser. Les dernières statistiques mensuelles de décembre qui concernent la production industrielle, les ventes de détail et les investissements sont cependant mieux orientées. Ces chiffres devront être confirmés en début d’année afin de s’assurer que la Chine ne soit pas une perturbation pour l’économie mondiale en 2020, malgré le niveau élevé de l’endettement des entreprises et les relations politiques tendues avec les États-Unis.
Marchés Financiers
Quel contraste entre le comportement des marchés financiers l’année dernière qui « s’écroulaient » lors de la dernière ligne droite, et l’évolution actuelle. En effet, les valeurs américaines battent de nouveaux records historiques, et des indices européens s’inscrivent au plus haut depuis 4 ans ! La banque centrale américaine, en modifiant complètement les perspectives de sa politique monétaire, a été sans aucun doute à l’origine du spectaculaire redressement des grandes bourses mondiales sur les quatre premiers mois de l’année. Par la suite, il a manqué une dernière étape pour rassurer les investisseurs; celle d’une baisse du risque géopolitique. Cette dernière a commencé néanmoins à se manifester dès la fin de l’été, avant de se concrétiser dans les faits le 13 décembre dernier. Tout d’abord, l’annonce officielle de la victoire de Boris Johnson aux législatives britanniques devrait permettre la mise en œuvre organisée et rapide du Brexit. Au même moment, a été dévoilée l’annonce d’un prochain accord qualifié de « phase 1 » entre américains et chinois sur des réciprocités commerciales des uns par rapport aux autres.
Ces deux événements, partiellement intégrés dans les cours des actions depuis quelques semaines, ont justifié une dernière séquence de hausse après quelques prises de bénéfices.
Finalement, dans un contexte économique resté délicat, comme en témoigne le nouveau ralentissement de l’économie mondiale en 2019, les marchés financiers devraient clôturer l’année sur d’excellentes performances. Celles-ci ne sont pas non plus liées à l’amélioration des profits des entreprises, dont les prévisions n’ont cessé de se dégrader tout au long de l’exercice. Anticipés à l’origine en progression de +10% par les analystes financiers, les bénéfices des sociétés devraient finalement n’afficher en moyenne aucune croissance pour l’exercice en cours. Seuls quelques secteurs, comme le luxe et l’aéronautique en Europe, ou la technologie aux États-Unis sont parvenus à « sortir du lot ».
