Panorama économique
Le scénario retenu par l’économiste en chef de l’OCDE, Laurence Boone, sur les perspectives de l’économie mondiale, a le mérite d’officialiser une des craintes exprimée par de nombreux opérateurs de marchés. Selon cet organisme international, la croissance économique devrait certes se stabiliser, mais ne se redresser que timidement par la suite L’analyse ne porte pas spécifiquement sur des questions de cycles conjoncturels de l’économie, mais sur deux problématiques structurelles que devront affronter l’ensemble des acteurs mondiaux aux cours des prochaines années. Il s’agit en premier lieu du défi écologique qui touche tous les domaines de la transition énergétique et des changements climatiques et en second lieu, du défi digital, avec le développement de la numérisation et de l’intelligence artificielle. Or, à ce jour, « l’humanité » affiche un retard considérable dans les investissements qui permettront de faire face à ces nouveaux défis. C’est sans compter également le manque de motivation de certains pays (ou dirigeants politiques !), une évolution trop lente des mentalités et une faiblesse des compétences disponibles afin de traiter de telles problématiques. Dans ces conditions, la croissance mondiale ne pourrait progresser que modestement lors des deux prochaines années (cf. graphique ci-dessous).

Cela étant, il convient également de s’intéresser dans l’immédiat à des éléments plus traditionnels qui pourront influencer l’évolution de l’économie mondiale lors des prochains mois. Les publications des dernières statistiques sur l’évolution des PIB des principaux grands pays sont dans l’ensemble rassurantes, et excluent l’hypothèse d’une poursuite de la dégradation de l’activité.
C’est notamment le cas aux États-Unis, où le PIB progresse de 2,1% sur le troisième trimestre en rythme annualisé. Un chiffre supérieur aux prévisions des économistes (+1,6%) qui démontre encore une fois la capacité de l’Amérique du nord à résister à un contexte mondial moins favorable pour les affaires. Le secteur le plus touché concerne les investissements des entreprises (-2,7% sur le trimestre) qui subit les effets collatéraux du conflit commercial sino-américain. Mais la demande domestique demeure solide et constitue toujours le socle de la croissance américaine. En effet, la plupart des facteurs qui déterminent le comportement des consommateurs sont bien orientés. À commencer par les excellents chiffres de l’emploi en octobre. 128 000 nouveaux postes ont été créés, et les statistiques des deux mois précédents ont été révisées à la hausse avec un additionnel de 95 000 emplois supplémentaires. Le taux de chômage se maintient sur un niveau historiquement faible à +3,6%. Le marché de l’immobilier est également à la fois un bon baromètre du niveau de confiance des ménages américains et un potentiel facteur d’accroissement de la richesse patrimoniale des propriétaires. Toutes les dernières statistiques démontrent la robustesse de ce secteur. Pour ne citer que deux chiffres, les permis de construire atteignent 1,46 million d’unités en octobre (+5%), et retrouvent le même niveau touché en mai 2007. Selon les calculs de la FHTA (Federal Housing Finance Agency), les prix des maisons ont progressé de 0,6% en septembre dernier, soit le rythme mensuel le plus élevé depuis février 2018 et de +5,1% sur un an glissant.
Tant que les ménages américains profiteront du dynamisme du marché de l’emploi avec des salaires en progression raisonnable et d’une revalorisation progressive de leur patrimoine tant immobilier que financier, il n’y aura pas de raison objective pour remettre en cause la poursuite de la croissance outre-Atlantique. Il faudrait véritablement un important « faux pas » de Donald Trump sur le plan politique (aggravation des tensions commerciales entre les États-Unis et le reste du monde ?) pour modifier ce scénario sur le premier semestre 2020. Mais le locataire de la Maison Blanche prendra-t-il un tel risque à une encablure d’élections présidentielles pour lesquelles il souhaite se représenter pour un second mandat ?
Tous les regards des économistes étaient tournés vers l’Europe dans l’attente des chiffres sur la croissance de ce continent au troisième trimestre. Et plus précisément, c’est l’Allemagne qui était « attendue au tournant » après la déception du second trimestre. Finalement, nos voisins rhénans évitent une récession dite technique (c’est-à-dire deux trimestres consécutifs de baisse), grâce à une hausse de 0,1% du PIB entre juin et septembre en première estimation. Sur l’ensemble de la zone euro, la progression trimestrielle du PIBressort comme prévu à +0,2%. Les principaux pays concernés affichent des progressions d’activité également conformes aux estimations : +0,1% en Italie, +0,3% en France et +0,4% en Espagne (cf. graphique ci-dessous).

Par ailleurs, les récentes statistiques liées aux indicateurs économiques avancés de la zone euro, notamment ceux liés aux PMI montrent un léger mieux pour le secteur manufacturier, mais compensé par une petite déception au sein des servicesw. En effet, l’indice PMI composite est en léger repli de 0,3 point en novembre à 50,3 dans sa version préliminaire. Dans le détail, si l’Allemagne montre un léger mieux, les données restent faibles (+0,3 point à 49,2 pour le composite), tandis que la France continue à se distinguer favorablement avec un chiffre supérieur à 50 (52,7), gage d’une hausse de la production globale. L’ensemble des indicateurs économiques avancés publiés récemment ne permet pas cependant de modifier les prévisions de croissance du « vieux continent ». Selon le consensus des spécialistes, la zone euro devrait afficher cette année un PIB en hausse de +1,1/+1,2%, prévision également comparable pour 2020.
Au sein du monde émergent, la Chine reste le leader incontesté, étant l’un des principaux contributeurs à la croissance mondiale. Le ralentissement de l’activité dans ce pays est une évidence depuis de nombreux mois. Les responsables politiques tentent de gérer sans rupture significative la transition d’une activité destinée dans un premier temps à la production, dont une grande partie orientée à l’exportation, vers une économie où les services deviennent l’axe principal de développement. Une évolution qui doit se matérialiser tout en essayant de contrôler le niveau d’endettement de l’ensemble des acteurs économiques, qu’ils soient privés ou publics. Néanmoins, afin d’éviter un recul trop prononcé de la croissance, les autorités ont pris des mesures tant monétaires que budgétaires pour tenter de redresser l’activité. Celle-ci subissant également la hausse des taxes douanières américaines sur des produits importés de Chine. Mais les résultats à court terme de telles décisions se font attendre. Les hausses en octobre depuis le début d’année de la production industrielle, des ventes de détail ou encore des investissements continuent à s’effriter. Le point positif demeure la création de 11,93 millions d’emplois sur les 10 premiers mois de l’année qui permet de faire baisser le taux de chômage à 5,1% de la population active, et accessoirement de maintenir une relative paix sociale au sein du pays.
Marchés Financiers
La dernière phase de consolidation des principaux indices date de début octobre, et n’aura duré que quelques séances avec un repli proche de 5% entre les extrêmes. Depuis cette courte période de prises de bénéfices, les indices auront repris le chemin de la hausse. Une progression qui s’est réalisée sans réel éclat quotidien, mais cependant très graduellement, et presque dans une relative indifférence ! Néanmoins, la hausse des actions européennes et américaines, sur le point le plus bas du quatrième trimestre (3 400 pts pour l’Eurostoxx 50, 5 400 pts pour le CAC 40 et 2 880 pour le S&P 500), se solde par une progression de 10% en moyenne, et porte l’avancée des indices à +25% depuis le début de l’année. Quels sont les raisons qui expliquent un tel engouement pour les actifs à risques ?
Il est probable que les investisseurs anticipent déjà une possible sortie de crise des différents dossiers politiques qui contrariaient les marchés depuis deux ans. Loin d’être résolu, le Brexit ne suscite plus de réelles craintes à ce jour. Le prochain responsable anglais, dont le nom ressortira des urnes le 12 décembre prochain, devrait faire le nécessaire pour trouver une solution de sortie organisée avec les européens. Si les informations relatives aux négociations commerciales entre les américains et les chinois alternent « le chaud et le froid », les opérateurs font le pari d’un prochain accord entre les parties. Celui-ci pourrait apaiser les incertitudes sur le développement du commerce international, et redonner du crédit aux perspectives d’une poursuite de la croissance mondiale en 2020.
À quelques exceptions près, les publications de résultats des entreprises américaines et européennes au troisième trimestre sont globalement conformes aux prévisions. Les analystes financiers ont donc peu modifié leurs prévisions de l’exercice en cours, alors que ceux-ci ne cessaient de les réviser à la baisse avant la période de présentation des chiffres d’affaires et des bénéfices.
Par ailleurs, la prudence affichée de nombreux investisseurs depuis plusieurs semaines (concrétisée par des liquidités abondantes) a contribué paradoxalement à la fermeté des indices. Les opérateurs de marché étant déjà dans l’anticipation d’une consolidation des actions.
Plus spécifiquement dédiés aux marchés américains, les rachats de titres orchestrés par les entreprises elles-mêmes (cf. graphique ci-dessous) ont contribué à l’excellence performance du S&P qui ne cesse de franchir de nouveaux records historiques.

Cependant, il se pourrait que les entreprises cotées, qui ont largement profité d’une baisse de la fiscalité sous l’ère D. Tump, soient moins présentes sur les marchés l’année prochaine pour racheter leurs propres titres.