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Flash marchés. 11 Juin 2020

Point marchés financiers. 11 juin 2020.

Si l’épidémie semble aujourd’hui être relativement maitrisée en Europe et en France, avec un nombre très faible de nouveaux cas chaque jour, cela n’est pas forcément le cas dans d’autres régions du monde, en particulier au sein de pays émergents (comme le Brésil ou l’Inde), et même de certaines régions des États-Unis, qui montrent encore de grandes difficultés à gérer la crise sanitaire. Dans ce contexte, les institutions internationales continuent de réviser à la baisse leurs prévisions de croissance.

Néanmoins, les États continuent de multiplier les efforts pour accompagner la reprise économique et certaines statistiques économiques montrent que l’activité commence à repartir progressivement. L’Allemagne a ainsi dévoilé son plan de soutien pour le secteur automobile et a également voté un plan budgétaire additionnel de plus de 60 milliards d’euros qui comporte notamment une baisse de la TVA et une hausse des allocations afin de relancer la consommation. En France, le gouvernement multiplie les annonces de plans de soutien aux secteurs les plus en difficulté, comme le tourisme et l’automobile, ou encore l’aéronautique avec une aide d’environ 15 milliards d’euros dévoilée mardi. Le dernier budget rectificatif a d’ailleurs estimé le montant total des mesures prises par l’État pour lutter face à la crise sanitaire à 136 milliards d’euros. Son soutien reste ainsi indispensable pour aider les entreprises à traverser un creux conjoncturel d’une ampleur sans précédent, alors que le ministre de l’Économie a estimé que l’économie française reculerait de 11% en 2020.

Sur le plan monétaire, la BCE a rappelé son engagement à maintenir une politique durablement accommodante lors de sa réunion la semaine dernière. La présidente Christine Lagarde a notamment indiqué que les achats d’actifs de l’institution seraient augmentés de 600 milliards d’euros, ce qui a notamment contribué à renforcer l’euro temporairement. Néanmoins, l’Union européenne reste dos au mur, et se doit encore de gérer de multiples dossiers. Alors que les négociations du Brexit peinent à progresser et que le contentieux entre Airbus et Boeing risque de raviver des tensions entre Donald Trump et l’Europe, le conseil de l’Union européenne doit également débattre des modalités du plan de relance européen de 750 milliards d’euros impulsé par le couple franco-allemand. Il reste en effet à déterminer les montants alloués à chaque pays, ainsi qu’à déterminer si les aides seront versées sous forme de prêts ou de dons. L’écartement observable du spread obligataire Allemagne-Italie à 10 ans est donc logiquement une conséquence de ce regain de tensions.

Les chiffres de l’emploi américain avaient d’abord ravivé l’optimisme des investisseurs avec le S&P 500 qui passait lundi pour la première fois de l’année en territoire positif depuis le début de l’année. La progression a néanmoins été de courte durée avec les commentaires de la Fed ce mercredi 10 juin. Le directeur de la banque centrale américaine a en effet appelé à la prudence en déclarant ne pas vouloir remonter ses taux directeurs jusqu’en 2022. De même, la Fed a également indiqué que la reprise de l’économie américaine serait longue et douloureuse, émettant des prévisions de croissance très prudentes pour 2020.

Enfin, notons la trajectoire du cours du baril cette semaine. Il avait en effet fortement progressé à la suite de la réunion de l’OPEP+ ce week-end, au cours de laquelle les pays membres avaient décidé de ne pas augmenter leur production jusqu’à fin juillet. Néanmoins, les commentaires de la Fed, suggérant un ralentissement à venir de la demande, ainsi que la forte remontée des stocks de brut américains et l’augmentation des craintes sanitaires, ont fait repasser le cours sous le seuil de 40 dollars.

Comme on peut le constater dans le graphique ci-dessous, qui retrace l’évolution des valeurs européennes depuis 6 mois, il y a eu plusieurs phases bien identifiées depuis le début de la crise sanitaire :

  1. La prise en compte par les opérateurs de marchés de la généralisation de la pandémie en dehors des frontières chinoises. Cela va obliger de nombreux gouvernements à bloquer totalement ou partiellement l’activité. L’incertitude est telle, que tous les points de repères habituels disparaissent. Les indices se replient de 35 à 40% en l’espace de quelques semaines.
  2. Les banques centrales et les États déploient des mesures d’une ampleur inédite pour soutenir l’activité et maintenir les taux d’intérêt sur des niveaux historiquement faibles. Le marché reprend confiance et rebondit de 30%.
  3. Période d’observation qui se traduit par une « latéralisation » des indices entre fin mars et début mai. Il convient de chiffrer les dégâts de la récession, mais en parallèle, le rebond économique qui devrait suivre commence à rassurer.
  4. Seconde phase d’accélération des indices. Les marchés européens rattrapent une partie de leur retard en trois semaines (+25%), tandis que les valeurs américaines reviennent sur les cours de fin 2019. Le déconfinement semble se dérouler sans rechute, notamment sur le vieux continent, accréditant ainsi l’illusion (ou pas ?) d’une forte reprise économique, en forme de v.
  5. La période actuelle. Les investisseurs s’interrogent : les marchés financiers sont-ils décorrélés de la réalité, avec des performances de court terme qui paraissent ignorer les cicatrices de la récession actuelle ? Il est logique que les indices temporisent quelque peu sur leur dernier mouvement qui a vu les secteurs cycliques reprendre la main. La moyenne mobile long terme (cf. graphique) a « joué » le rôle d’un plafond difficile à franchir. Il est probable que les indices consolident pendant plusieurs semaines. Il conviendra de s’assurer que les indicateurs économiques avancés montrent une réelle amélioration de l’activité sans risque de rechute de la crise sanitaire. Les publications des résultats des entreprises au second trimestre en juillet seront sans aucun doute en forte baisse, mais il faudra surtout s’attacher aux anticipations de redressement des comptes sur la seconde partie de l’année pour espérer une nouvelle progression des indices.
Évolution de l’indice eurostoxx50 depuis décembre 2019
Évolution de l’indice eurostoxx50 depuis décembre 2019 (Refintiv – 11 juin 2020)