En direct avec nos experts

Conjoncture et marchés

Panorama économique

En l’espace de quelques semaines, le schéma très consensuel d’une forte reprise de la croissance mondiale liée à la levée des restrictions économiques et sociales mises en place pour lutter contre la pandémie, vient d’être ébréché par deux facteurs principaux.

Le premier concerne à nouveau l’actualité sur la Covid-19. En effet, comme cela était envisagée, la mutation du virus en de nombreux variants inquiète les épidémiologistes. Le principal d’entre-eux, dénommé delta et d’origine indienne, provoque une recrudescence des nouvelles contaminations dans de nombreux pays. Les émergents sont principalement concernés (Asie du sud-est, Russie...) mais également des pays développés comme la Grande-Bretagne, l’Espagne, le Portugal ou le Japon... Cette nouvelle souche (comme d’autres telles que le lambda ou l’epsilon) apparaît plus contagieuse et touche les populations non encore vaccinées. L’immunité collective étant encore loin d’être la norme dans toutes les grandes zones géographiques, la situation sanitaire au niveau mondial reste préoccupante. La crainte de reconfinements locaux ou l’instauration de nouvelles restrictions temporaires sont une nouvelle fois envisagées. Pour autant, le contexte actuel ne semble pas être comparable à celui vécu tout au long de l’année dernière et début 2021. L’accélération de la vaccination, efficace à priori contre les nouveaux variants, gagne en intensité partout dans le monde. Elle permet surtout de protéger les personnes les plus fragiles, et a réduit très sensiblement les tensions dans les services hospitaliers. En conséquence, sauf dégradation supplémentaire du contexte sanitaire, la vie économique et sociale devrait finir par reprendre pleinement « ses droits » sur la durée. Il faut pour cela une stratégie globale de vaccination qui ne doit pas concerner qu’une partie du monde concentrée principalement sur les pays riches.

Graphique PMI Juillet 2021
Indicateur PMI composite global (Source : J.P. Morgan – juillet 2021).

Le second élément fondamental qui est venu perturber les experts des marchés financiers concerne le timing quant au pic des anticipations de la croissance mondiale.

En effet, depuis le point bas de la production de l’année dernière, la reprise de l’activité a été particulièrement marquée, même si celle-ci a été différée selon les régions. Mais les dernières enquêtes publiées sur l’évolution de la confiance des acteurs économiques montrent un essoufflement de la confiance des chefs d’entreprises (cf. graphique précédent). Or, ces enquêtes préfigurent en général ce que sera le rythme de l’activité avec six mois d’avance.

À ce stade du cycle économique, il n’est pas anormal de constater un affaiblissement du rythme des affaires, sans pour autant préjuger d’un retournement de la production. Cette situation est d’autant plus logique que tous les problèmes liés à la forte reprise de la demande sont loin d’être résolus. En premier lieu, les disruptions dans les chaînes d’approvisionnement et de logistique sont encore une réalité. Plusieurs ports chinois ne fonctionnent pas normalement pour des raisons sanitaires. Les moyens de transport des marchandises navals ou aériens sont également saturés et réduisent la fluidité des échanges mondiaux. Par ailleurs, une des principales contraintes soulignées récemment par les chefs d’entreprises concerne la difficulté de recruter du personnel, notamment dans les services. La crise de la Covid a généré des rapatriements de personnes dans leur pays ou des changements d’emploi. Aux Etats-Unis, la poursuite de subventions versées aux employés limite également le retour sur le marché de l’emploi.

En second lieu, l’inflation a fait son retour. Les derniers chiffres de juin outre-Atlantique affichent une hausse des prix de détail de 5,4% sur un an, un niveau jamais égalé depuis plus de 20 ans ! Pour autant, l’inquiétude ne transparaît pas encore parmi les autorités monétaires qui évoquent un contexte d’inflation élevée temporaire appelé à se régulariser en 2022.

Les prévisions de croissance sur les principales zones géographiques ne sont donc pas modifiées. Si la Chine a retrouvé son rythme habituel (entre +6 et +8%), les Etats-Unis sont proches de rejoindre leur tendance pré-crise. Quant à la zone euro, cela pourrait être la bonne surprise de ces prochains mois avec un rebond de l’activité supérieur aux prévisions de début d’année.

Graphique Perspectives de croissance juillet 2021
Perspectives de croissance dans les principales zones géographiques (Source : Oddo BHF – juillet 2021)

Marchés Financiers

Mi-juin, les marchés financiers ont été surpris par le changement de ton de la FED laissant entendre que le resserrement de sa politique monétaire pourrait se faire plus rapidement que prévu. Cette évolution sémantique s’interprétait alors comme la prise de conscience d’une inflation plus durable au sein d’une économie où les déséquilibres offre/demande persistent.

Dans un premier temps perturbé par cette éventuelle accélération du changement de conduite en matière de politique monétaire, les marchés financiers ont par la suite pris en compte un environnement où les risques, jusqu’alors jugés diffus, ont pris progressivement plus de consistance.

  • Tout d’abord sur le plan sanitaire : la montée en puissance du variant delta sème le doute et pourrait compromettre la réouverture des économies. Si le rythme de vaccination protège les pays développés, il n’en est pas de même pour les pays émergents.
Graphique Performances classes actifs 2021
Source : Datastream – Crédit Mutuel Gestion
  • Ensuite sur le plan de la croissance : certains indicateurs témoignent d’un essoufflement de la reprise, ou tout au moins d’un pic de cycle atteint entre les 1er et 3ème trimestres 2021 selon les zones. Cela signifierait que les nouvelles économiques à venir pour le deuxième semestre pourraient être un peu moins favorables. Les débats en cours sur la validation du futur plan d’infrastructures américain rajoutent à l’incertitude.
  • Enfin, les banques centrales sont de plus en plus nombreuses à évoquer des probables évolutions de politiques monétaires les amenant à réduire les liquidités injectées au sein des économies. Ces liquidités ont constitué jusqu’à présent un carburant majeur de l’appréciation des marchés.

Si l’ensemble de ces facteurs demeure encore de faible probabilité, ils contribuent néanmoins à modifier un environnement jusqu’ici relativement porteur pour les marchés financiers et les actifs risqués. Ainsi, les taux d’intérêt à long terme s’inscrivaient dans une trajectoire haussière et les marchés actions progressaient à l’aune de la croissance des résultats des sociétés. Or, depuis un mois, les marchés obligataires nous délivrent un message différent : les taux d’intérêt à long terme refluent exprimant ainsi les doutes des investisseurs quant au maintien d’une croissance forte au-delà de l’année 2021 et à la pérennité de l’inflation. Et les marchés actions des pays émergents, directement concernés par le ralentissement chinois et l’extension d’une nouvelle vague Covid, sont soumis à de nombreuses pressions.

Le soutien des politiques économiques devrait se prolonger et offrir ainsi un environnement limitant globalement les risques importants pour les marchés financiers à l’horizon 2022.

Mais pour autant, nous entamons une période estivale où la volatilité peut subir quelques poussées ponctuelles à la faveur d’une moindre activité, alors même que le flux d’informations économiques et/ou sanitaires pourrait être moins favorable qu’au cours des trimestres précédents.

La zone émergente, en particulier, a d’ores et déjà dépassé un pic de croissance et souffre du ralentissement de l’économie chinoise. Nous voyons ainsi déjà des révisions négatives des prévisions de résultats de sociétés de la zone. De plus, les faibles taux de vaccination constatées ainsi que la forte proportion du variant delta parmi les nouveaux cas Covid, exposent de nombreux pays à devoir prendre de nouvelles mesures de restrictions sanitaires avec les répercussions économiques qui en découlent.

La rentrée prochaine nous donnera l’occasion de refaire un point au terme de deux mois supplémentaires de nouvelles données concernant l’inflation, l’emploi et plus généralement le positionnement de l’économie mondiale au sein du cycle : rythme de croissance et synchronisation des principales économies (USA et Chine en particulier) seront au centre des débats des marchés.