Panorama économique
Ces dernières semaines ont été marquées par la publication de plusieurs enquêtes sur la croissance mondiale. Celle-ci est modestement révisée à la baisse par l’OCDE de 0,2 point à +3,3% pour 2019 et de 0,1 point à 3,4% pour 2020. Mais les principaux ajustements concernent essentiellement les pays européens. L’organisme international reste en effet préoccupé par l’Italie dont la récession, qui a déjà commencée fin 2018, devrait se prolonger cette année. L’Allemagne interpelle également les experts de l’OCDE. Le modèle économique de ce pays est particulièrement touché par le ralentissement de la Chine qui reste un client privilégié pour tous les produits intermédiaires. Pour l’année en cours, la progression de l’activité allemande serait ramenée à +0,7% (contre une prévision précédente de +1,6%) et à +1,1% en 2020. Faut-il pour autant s’inquiéter d’une potentielle rechute de la croissance européenne comme en 2011 ? Plusieurs éléments militent pour une vision plus optimiste du contexte économique en zone euro. En effet, des facteurs exogènes ont pénalisé l’activité allemande au second semestre 2018. Le secteur automobile a souffert des modifications des normes de pollution, et le secteur de la chimie a également été pénalisé par le faible débit du Rhin l’été dernier, limitant le transport des produits spécialisés. Deux paramètres exceptionnels négatifs qui devraient progressivement s’atténuer, voire disparaitre dans les prochains mois. Par ailleurs, si le contexte international peut s’avérer encore pesant pour le rythme des affaires, la demande domestique devrait rester soutenue. Plusieurs gouvernements ont ainsi décidé de mettre en place une politique de soutien budgétaire. C’est le cas de l’Italie (revenu universel), de l’Allemagne avec une série de mesures qui concernent l’augmentation des allocations familiales et des allègements d’impôts (l’équivalent d’un point de PIB selon les spécialistes). Enfin la France devrait bénéficier d’une bonne dynamique des investissements des entreprises qui profiteront de la transformation du CICE en baisse de charges pérennes, et des mesures de soutien à la consommation décidées par l’exécutif fin décembre (entre 10 et 12 Mds €). Grâce à ces différentes annonces, la confiance des consommateurs français a rebondi dès le mois de janvier dernier (cf. graphique ci-contre), alors même que les mouvements sociaux se poursuivaient.
L’INSEE met en avant ce contexte afin de justifier une croissance du PIB de l’économie française de +0,4% au premier et second trimestre. Pour l’année entière, La Banque de France estime que l’activité devrait progresser de 1,4% en 2019 et de 1,5% en 2020. Une fois n’est pas coutume, l’hexagone sera en mesure de faire mieux que son voisin rhénan et de la moyenne européenne !

L’autre sujet macroéconomique concerne la Chine, qui est devenue au cours de cette dernière décennie un des piliers de la croissance mondiale. Or depuis de plusieurs mois, de nombreux observateurs s’interrogent à juste titre sur la capacité de ce pays à faire croître son activité sur un rythme suffisant permettant de faire évoluer son modèle économique vers une meilleure répartition entre la production et les services. Il se doit également de conserver une paix sociale qui passera obligatoirement par un renforcement des prestations individuelles (éducation, retraite, soins), une moindre pollution et surtout par une création de 11 millions d’emplois en 2019 (13 millions en 2018). Il convient donc de s’attarder sur les récentes annonces du gouvernement. Ce dernier semble avoir pris conscience de l’urgence de la situation, aggravée entre autre par les hausses des taxes américaines sur les importations chinoises. Afin de maintenir une croissance supérieure à 6%, les autorités politiques ont décidé d’une baisse significative des impôts et des charges sociales des entreprises. Une augmentation des prêts par les banques publiques pour les petites entreprises est également d’actualité, de même qu’une réduction de la TVA et un plan de relance de l’investissement. Il est encore bien trop tôt pour mesurer l’effet de telles annonces sur l’activité globale, d’autant que les festivités traditionnelles du nouvel an chinois ont pénalisé pendant plusieurs jours la bonne marche des affaires. Cela étant, quelques indicateurs avancés commencent à montrer un début d’amélioration sur le plan économique. Il s’agit notamment de l’indice du climat des affaires publié par le CKGSB (Cheung Kong Gradual School of Business) qui, comme le montre le graphique ci-dessous, aurait déjà touché son point bas pour repasser récemment au-dessus de la barre des 50 points, synonyme de croissance de la production. Il sera donc intéressant de vérifier si les autres indicateurs avancés classiques tels que les PMI confirment la reprise de l’activité en Chine.

Marchés financiers
Qui aurait pu anticiper de telles performances des indices à partir des points bas de décembre en l’espace de moins de trois mois ? Le S&P 500 a progressé de 22%, le Nasdaq de +26%, l’Eurostoxx 50 de +17% et le CAC 40 de +20%. Il faut dire que la banque centrale américaine a complètement modifié son discours début janvier en adoptant un ton particulièrement accommodant : plus de hausse des taux directeurs et fin de la normalisation du bilan appelé QT (Quantitative Tightening). Cette politique devrait rester identique pour toute l’année 2019 comme Jerome Powell vient de le rappeler récemment. Les membres de la Fed ont probablement été surpris par l’effondrement des actions américaines en décembre dernier (pour rappel : -10%, soit la plus mauvaise performance de fin d’année depuis 1931). Le risque d’une perte de richesse des détenteurs d’actions, d’un resserrement des conditions financières par la hausse des taux des obligations d’entreprises (IG et HY), et plus globalement, le fort recul des indicateurs de confiance de tous les acteurs économiques ont persuadé les autorités monétaires de « frapper fort ». La Fed étant par ailleurs la seule grande banque centrale au monde à pouvoir agir dans ce sens, compte tenu des ajustements déjà réalisés depuis 3 ans.
Mais la poursuite de la hausse des principales bourses mondiales en mars peut également s’expliquer par d’autres facteurs qui sont venus rassurer progressivement les opérateurs de marchés.
Les risques géopolitiques qui ont perturbé l’analyse des investisseurs en 2018 sont devenus moins prégnants. En effet, Américains et Chinois semblent désireux de conclure un accord qui permettrait de redonner de la visibilité à leur croissance économique respective. En zone euro, l’hypothèse d’une sortie brutale du Royaume-Uni de l’Union européenne a été exclue par le parlement britannique sans pour autant permettre d’échafauder la suite du feuilleton. Les problématiques politiques spécifiques à l’Italie et l’Espagne sont également descendues d’un cran. Enfin, certains opérateurs n’excluent pas une amélioration de l’activité mondiale à partir du second semestre 2019. Le point bas du commerce international aurait alors été atteint au 1er trimestre. Le scénario d’une croissance mondiale satisfaisante, sans aucune pression inflationniste ni tension sur les taux d’intérêt, a été un alibi supplémentaire pour décourager tous les potentiels vendeurs d‘actions.
Allocation d'actifs type
La forte reprise des marchés financiers interpelle ainsi de nombreux investisseurs qui s’interrogent sur la puissance de ce mouvement et sur son absence de consolidation significative depuis trois mois. Si « l’étincelle » liée au changement de ton de la banque centrale américaine a bien été identifiée, et certainement sous-estimée par les opérateurs de marchés, la poursuite de la hausse de ces dernières semaines peut néanmoins surprendre. En effet, si les autorités politiques américaines et chinoises montrent des signes d’apaisement, un accord définitif et durable n’est pas encore signé. Il en est de même entre les États-Unis et l’Europe. Par ailleurs, le long chemin de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne semble interminable, et nul ne sait à ce jour comment éviter l’impasse finale. Sur un autre plan, les données spécifiques des marchés financiers peuvent également laisser sceptique. Après les publications des résultats des entreprises, les analystes financiers continuent à réviser à la baisse les estimations 2019 des bénéfices des sociétés. Avec la sensible progression des indices, il en découle une nette revalorisation des marchés actions, qui est revenue proche de sa moyenne historique (cf. graphique ci-dessous). Enfin, les niveaux actuels des taux d’intérêt, avec par exemple un rendement du Bund allemand 10 ans à 0,04%, anticipent une inflation particulièrement modérée et une activité économique de faible ampleur au second semestre. Toute surprise sur l’un de ces deux éléments, créerait sans doute le retour de la volatilité sur les principales bourses mondiales.

Dans ces conditions, il nous paraît cohérent de profiter d’une nouvelle hausse des actions pour continuer notre politique d’allègement. Nos fourchettes d’allocation en actifs risqués sur la majorité de nos profils nous laissent la possibilité de nous ajuster de nouveau après un geste précèdent en février.
Nous réduisons donc la poche des actions internationales, dont les OPC correspondants ont enregistré récemment des performances satisfaisantes, et replaçons ces liquidités dans un fonds flexible court terme. Nous sommes donc dans l’attente d’une pause dans la hausse de tous les indices. Consolidation horizontale ou repli significatif des actions ? Il est encore trop tôt pour avoir réellement des convictions sur ce sujet. Nous adopterons notre politique de gestion en fonction des prochains paramètres économiques, politiques et financiers.